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AIKINS, WILLIAM THOMAS, médecin, professeur de médecine et administrateur scolaire, né le 5 juin 1827 dans le canton de Toronto, Haut-Canada, fils de James Eakins et d’Ann Cox ; le 7 octobre 1851, il épousa à Toronto Louisa Adelia Piper (décédée en 1863), fille de Hiram Piper, et ils eurent six enfants, puis le 4 mai 1865, dans la même ville, Lydia Ann Piper, sœur de Louisa, et de ce second mariage naquirent quatre enfants ; décédé le 24 mai 1897 à Toronto.
James et Ann Eakins quittèrent leur Irlande natale en 1816 pour Philadelphie, puis s’installèrent en 1820 dans le canton de Toronto. Ils y élevèrent six enfants, dont William Thomas Aikins était le quatrième, et le troisième de quatre garçons, qui signeraient plus tard leur nom Aikins. En 1843, James Eakins, riche fermier et fervent wesleyen, envoya William au Victoria College de Cobourg, comme il le fit pour ses autres garçons. Il paya aussi les études médicales que William entreprit en 1845 ou 1846, fort probablement à la Toronto School of Medicine du docteur John Rolph*. Bien qu’il ait reçu l’autorisation d’exercer le 16 avril 1849, William s’inscrivit en octobre au fameux Jefferson Medical College de Philadelphie, où il décrocha un doctorat en médecine en mars 1850.
Aikins amorça alors ses 47 années de carrière dans le monde de l’éducation en entrant comme chargé de cours d’anatomie à l’école de Rolph (avec qui il faisait déjà de la pratique privée). En août 1851, l’école obtint sa constitution juridique et, dès l’automne, il en était le directeur des finances et le secrétaire. C’est surtout grâce à lui qu’elle survécut et que, de 1854 à 1856, sa situation s’améliora considérablement. Comme Rolph passait de longues périodes à Québec, où il exerça des fonctions parlementaires jusqu’en 1855, Aikins donnait plus que sa part de cours, tenait les comptes, supervisait le programme et recrutait du personnel. Bons pédagogues, Michael Barrett*, Henry Hover Wright et Uzziel Ogden* demeurèrent à l’école jusqu’à leur mort ou leur retraite. Fait plus important, étant donné que les étudiants de médecine étaient de plus en plus résolus à obtenir des diplômes et que l’école n’était pas habilitée à leur en remettre, Aikins réussit à contrer la concurrence des facultés de médecine du Trinity College et du McGill College en concluant en octobre 1854 une convention avec le Victoria College. En vertu de cette entente, les membres du personnel de la Toronto School of Medicine devinrent les premiers professeurs de médecine du Victoria College, où Aikins accéda aux postes de doyen et de membre du « sénat ».
Une fois que l’école fut devenue le département de médecine du Victoria College, le nombre d’inscriptions grimpa en flèche. À l’été de 1856, on remit toutefois en question la convention conclue entre les deux établissements quand Rolph, alors professeur de chirurgie, et le conseil d’administration du Victoria College ne tinrent pas compte des usages relatifs à la formulation des lignes de conduite départementales. C’est le conseil d’administration qui déclencha la querelle en décidant d’acheter pour l’école un édifice à Yorkville (Toronto). Aikins protesta en quittant le poste de doyen en juin ; Rolph, nommé par le conseil, lui succéda. Au cours des trois mois suivants, Aikins, et avec lui Barrett (président de l’école depuis le début de 1855), Wright et Ogden s’inquiétèrent de plus en plus du mode de gestion de Rolph, essentiellement autocratique, et de l’autorité absolue que lui conféraient, à titre de doyen, des propositions adoptées par le conseil en juillet. Celles-ci étaient tout à fait contraires aux principes démocratiques d’Aikins ; de plus, selon les quatre professeurs, elles niaient que la Toronto School of Medicine continuait d’exister en tant qu’école et qu’eux-mêmes avaient des droits en qualité de copropriétaires. Apparemment, Aikins fut le principal porte-parole du groupe au cours d’infructueuses négociations avec le conseil d’administration. Les 6 et 7 octobre, les quatre professeurs démissionnaient du département de médecine du Victoria College.
Les dissidents, majoritaires au sein de l’école, ne tardèrent pas à trouver un édifice et à poursuivre l’exploitation de l’établissement. Dès le début des années 1860, la Toronto School of Medicine comptait autant d’étudiants que le Victoria College, encore sous la direction de Rolph, le Queen’s College et le McGill College (en ne comptant que les étudiants haut-canadiens). Elle devait son succès en partie à la fermeture de la faculté de médecine du Trinity College, survenue en 1856, et au fait qu’Aikins avait obtenu une accréditation de la University of Toronto en 1854, car celle-ci avait fermé sa propre faculté de médecine en 1853. À compter d’octobre 1856, la Toronto School of Medicine appliqua les critères d’enseignement de cette université et fonda sa publicité sur le fait que ses finissants étaient qualifiés pour s’y inscrire aux examens de la licence et du doctorat en médecine.
Maître de chirurgie à l’école depuis juillet 1856, Aikins succéda à Barrett à la présidence en 1862 et exerça cette fonction jusqu’à sa mort. De 1862 à 1880, il représenta l’école au « sénat » de la University of Toronto, où il fit adopter des changements importants au programme des diplômes de médecine. En outre, dans les années 1857 à 1870 et 1888 à 1893, il fut à l’occasion examinateur pour l’université dans des matières liées à la médecine. À la fois en qualité de professeur, de clinicien et de membre de la haute administration, il fut l’un des grands artisans du succès académique et financier que l’école connut jusqu’au début des années 1890. Sa réputation croissante attirait des étudiants du centre et de l’ouest du Haut-Canada. À la fermeture de la faculté de médecine du Trinity College et de celle du Victoria College (en 1874), plusieurs de leurs professeurs, dont Norman Bethune, James Bovell* et Edward Mulberry Hodder*, passèrent à la Toronto School of Medicine.
Au moins à compter de 1863, Aikins fit partie de la majorité qui, au « sénat » de la University of Toronto, prônait la restauration de la faculté de médecine. Sans doute envisageait-il que le personnel de la Toronto School of Medicine formerait cette nouvelle faculté – non sans avoir obtenu, toutefois, des garanties plus solides que celles de l’entente conclue auparavant avec le Victoria College. Dans les années 1870, il se mit à parler publiquement « en faveur d’un grand nombre de collèges [de médecine] mais d’une seule université », vraisemblablement celle de Toronto, situation qui, selon lui, « hausserait le niveau de l’éducation, créerait une saine rivalité et ferait que [les] diplômes seraient respectés à l’étranger ». En mars 1887, il se jeta donc « corps et âme » dans des pourparlers à l’issue desquels presque tous les enseignants de l’école acceptèrent un poste à la nouvelle faculté de médecine de la University of Toronto. Quant à lui, il en fut le doyen de septembre 1887 à avril 1893.
Depuis 1865 environ, Aikins avait une nombreuse clientèle à titre de chirurgien et retirait un bon salaire de l’école de médecine. En matière d’argent, disait le Globe, ses habitudes étaient « sans égales » ; il investissait dans l’immobilier, tant à Toronto qu’ailleurs. Dès la fin des années 1860, il était un médecin exceptionnellement riche, et il le demeura jusqu’à ce que, vers 1895, il perde presque toute sa fortune. Wesleyen « sincère et doué de sens pratique », il fut parmi les fondateurs de l’église Metropolitan de Toronto et membre du conseil d’administration de 1868 à 1897. En outre, de 1865 à 1869, il siégea au comité général de la Wesleyan Methodist Missionary Society. Il fit des donations substantielles aux fonds de construction de l’église Metropolitan et, de 1877 à 1891, se classa souvent parmi les plus généreux bienfaiteurs au Canada de la société missionnaire.
Fils d’un réformiste, Aikins embrassa la cause des clear grits au début des années 1850, se rangea du côté du parti réformiste de George Brown* dans les années 1860 puis, contrairement à son frère plus connu, James Cox Aikins*, appuya leurs successeurs libéraux. Bien que riche et sachant s’exprimer, il tenta sa chance une seule fois en politique. En 1867, à titre de réformiste opposé à la coalition, il se présenta contre James Beaty, propriétaire du Leader, dans la circonscription fédérale de Toronto East. Cependant, malgré l’admiration que le Globe professait pour lui, il fut défait.
Aikins obtint plus de succès au sein des organisations de médecins. Usant de son influence, Rolph le fit nommer au Medical Board of Upper Canada en 1852 ; il allait y rester jusqu’à l’abolition de cet organisme, en 1865. D’avril 1855 à 1857, à cause de la constante rivalité qui opposait le Trinity College à la Toronto School of Medicine et de l’animosité qui régnait contre Rolph, le Toronto Général Hospital lui retira ses privilèges, ce qui attira sur lui l’attention de ses collègues et de la population du Haut-Canada. Il s’employait à hausser les normes d’exercice de sa profession et à faire que son école comme les médecins allopathes soient respectés. Son objectif, exprimé en privé dès 1852 et en public au moins à compter de 1859, était la création d’une seule corporation professionnelle qui imposerait une norme d’admission commune et un programme de base à toutes les écoles de médecine du Haut et du Bas-Canada et qui serait seule habilitée à délivrer des autorisations aux médecins, diplômés compris. Bien sûr, certains de ses rivaux dans le monde de l’éducation, dont Rolph à compter de 1856, faisaient valoir que ce serait la Toronto School of Medicine qui bénéficierait le plus de la concrétisation d’un tel projet. Néanmoins, à la fin des années 1850 et dans les années 1860, les praticiens allopathes, ses collègues de l’école et du Medical Board of Upper Canada ainsi que plusieurs autres éducateurs, notamment le docteur John Robinson Dickson* du Queen’s College, étaient de plus en plus nombreux à appuyer les démarches qu’il faisait en vue d’une élévation des normes et d’une réforme de la délivrance des autorisations.
C’est probablement au milieu des années 1860 qu’Aikins influa le plus sur le développement de la profession médicale. En effet, probablement avec Henry Hover Wright, il rédigea en 1865 l’Acte pour régler les qualités requises des médecins et chirurgiens pratiquant dans le Haut-Canada, puis l’année suivante la première série de modifications qui allaient être apportées à cette loi. Lui-même et ses collègues de la Toronto School of Medicine exercèrent de fortes pressions en faveur de la loi elle-même et des modifications ; le moindre de leurs motifs n’était pas que ces mesures donnaient aux diplômés de leur école (qui ne se présentaient pas tous aux examens de médecine de l’université) le droit dont jouissaient alors les diplômés des facultés de médecine d’obtenir une autorisation provinciale sans autre examen. L’Ontario Medical Act de 1869, grâce auquel les praticiens ruraux réduisirent de façon décisive l’indépendance des écoles de médecine en éliminant ce privilège, allait essentiellement dans le sens de ce qu’Aikins souhaitait depuis longtemps : un seul bureau d’examen et de délivrance des autorisations pour tous. Il représenta son école au Général Council of Medical Education and Registration de 1866 à 1869, puis au conseil du College of Physicians and Surgeons of Ontario de 1869 à 1880. Il fut trésorier de ces deux organismes, dans le second cas jusqu’à sa mort. Les rares déclarations publiques qu’il fit à titre de membre de l’un de ces deux conseils reflètent sa préoccupation de toujours : que l’on hausse les critères d’admission aux études de médecine afin qu’ils correspondent au moins à ceux que l’on exige des étudiants admis en arts, et finalement des diplômés.
Des années 1850 à 1890, Aikins occupa une série de postes de consultant au Toronto Général Hospital, au Hospital for Sick Children et à la Central Prison. Il fut médecin de plusieurs sociétés locales de bienfaisance dont, au début des années 1870, l’Irish Protestant Benevolent Society, et fut souvent convoqué à titre de témoin expert à des enquêtes et à des procès. Il reçut un doctorat en droit du Victoria College en 1881, et un autre de la University of Toronto en 1889. En 1895, sa santé l’obligea à quitter l’enseignement et la pratique privée.
À la fois en qualité de professeur et de chirurgien, Aikins était réputé avoir peu d’égaux dans tout le Canada, et même sur tout le continent. Sa pédagogie, impressionnante, s’appuyait sur de solides conseils et de fréquentes démonstrations, en classe ou en clinique. Prudent et consciencieux tout en étant inventif et au fait des progrès de la science, il contribua beaucoup, en 40 ans, à faire avancer la chirurgie parmi les médecins formés à Toronto. Il conçut une attelle pour les fractures de l’humérus et un appareil qui rafraîchissait constamment les articulations enflammées, raffina les méthodes chirurgicales pour réduire les hémorragies pendant et après les opérations, fut un pionnier des amputations ostéoplastiques pratiquées au-dessus du genou et fut l’un des premiers à prôner le grand air pour le traitement de la tuberculose. Sa contribution clinique la plus importante fut sans contredit son adoption précoce et sa promotion ardente des règles d’antisepsie lancées en 1867 par Joseph Lister, qu’il consulta en 1880 au cours d’une longue tournée dans des hôpitaux anglais et européens.
Par l’énergie qu’il déploya au Medical Board of Upper Canada et dans les organismes qui lui succédèrent, William Thomas Aikins contribua directement, des années 1850 aux années 1880, à faire de la médecine ontarienne une véritable profession. À sa mort, ses collègues, anciens étudiants et amis laïques ou ecclésiastiques choisirent cependant de rappeler plutôt sa supériorité de chirurgien et de professeur, sa largeur de vues, sa générosité et son « authentique personnalité de chrétien ». Ils parlèrent aussi de sa modestie professionnelle et personnelle – qualité qui pourrait expliquer pourquoi il fit si peu d’interventions publiques, surtout après les années 1860.
Une recherche dans l’ensemble des publications contemporaines en médecine n’a permis de découvrir qu’un seul article de William Thomas Aikins, bien qu’il soit mentionné en relation avec un certain nombre d’autres rapports. Son article, « Ovariotomy – five cases », Canadian Journal of Medical Science (Toronto), 7 (1882) : 185–187, constitue un exposé utile sur l’antiseptie au cours des interventions chirurgicales.
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David R. Keane, « AIKINS, WILLIAM THOMAS », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 11 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/aikins_william_thomas_12F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/aikins_william_thomas_12F.html |
Auteur de l'article: | David R. Keane |
Titre de l'article: | AIKINS, WILLIAM THOMAS |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1990 |
Année de la révision: | 1990 |
Date de consultation: | 11 déc. 2024 |