CLARKE, CHARLES, homme d’affaires, journaliste, homme politique, fonctionnaire, auteur et officier de milice, né le 28 novembre 1826 à Lincoln, Angleterre, aîné des enfants de Richard Clarke et de Jane Drury ; le 2 juin 1852, il épousa à Williamsville, comté de Haldimand, Haut-Canada, Emma Kent (décédée en 1878), et ils eurent quatre filles et un fils, Charles Kirk*, puis le 1er août 1881, à Ponsonby, Ontario, Rose Ellen Halley, et de ce second mariage naquirent deux fils et une fille ; décédé le 6 avril 1909 à Elora, Ontario.
Le père de Charles Clarke était l’inspecteur municipal du grain à Lincoln ; jusqu’à sa mort précoce en 1835, il appartint peut-être au petit cercle de radicaux qui vit le jour en cette ville dans les années 1830. Charles fut formé par deux des membres les plus brillants de ce groupe : Thomas Cooper, qui allait se distinguer dans le mouvement chartiste, et George Boole, mathématicien et logicien réputé. Dès l’âge de 14 ans, Clarke fut placé en apprentissage chez un marchand d’étoffes de Lincoln, John Norton, radical lui aussi. Une fois installé dans le Haut-Canada, il garderait des liens avec sa ville natale. Ces attaches lui apporteraient de la satisfaction et compteraient pour beaucoup dans son sentiment d’autonomie personnelle : il serait de ces immigrants qui s’adaptent à leur nouveau milieu sans s’y fondre.
Clarke quitta l’Angleterre en avril 1844, quelques semaines avant la fin de son apprentissage. Irrité à la perspective de passer son existence derrière un comptoir de nouveautés, il avait résolu de rejoindre sa mère et son beau-père, John Lincoln Kirk, dans une ferme située près de Canboro, dans le district de Niagara. Quatre ans plus tard, la famille s’établit près de Guelph, à Elora, village promis à un bel avenir par l’ouverture de nouveaux cantons dans le Nord. En 1850, Clarke et son beau-père fondèrent ensemble un magasin général. Dès 1861, ils furent en mesure de construire, dans la rue principale d’Elora, un édifice commercial de trois étages en brique. Après tous ces détours, Clarke se retrouvait tout de même derrière un comptoir...
Entre-temps, il s’était fait connaître, dans les cercles politiques, comme un polémiste aux idées avancées. Jeune, il avait embrassé la cause du radicalisme ; dès que survint l’occasion de la défendre dans le Haut-Canada, il le fit. Se trouvant à Hamilton en 1849 pour acquérir de l’expérience en affaires, il se mit à écrire pour le Journal and Express, en devint corédacteur en chef et lança dans d’autres journaux réformistes, tels le Toronto Mirror et le Dundas Warder, une série d’articles qu’il signait « Reformator ». Il y préconisait vigoureusement la démocratisation des institutions politiques du Canada : extension du suffrage, scrutin secret, législatures plus brèves et autres mesures visant la « pureté de la représentation ». Ces réformes aboliraient les privilèges et les monopoles, soustrairaient les hommes au joug du rang et de la coutume, et garantiraient la prospérité et le bonheur.
Ces articles attirèrent l’attention de personnes qui partageaient des idées semblables, tels Charles Lindsey, William McDougall, ainsi que certains clear grits qui faisaient partie de l’aile radicale des réformistes. On invita Clarke à rédiger une série d’articles appuyant la réforme démocratique radicale, qui parurent au début de 1851 sous le titre de « Planks of Our Platform » dans le North American, dirigé par McDougall. Celui-ci lui offrit aussi de devenir associé à son journal, mais il refusa. Journaliste de cœur, il préférait rester dans le commerce de détail, plus sûr financièrement. Néanmoins, en 1852, il participa à la fondation de l’Elora Backwoodsman, se donnant ainsi un lieu de publication et un organe politique. Comme le dirait plus tard John Charles Dent*, il devint « libéral parmi les libéraux ».
Dans les années 1850, Clarke fut secrétaire de la Reform Association of the North Riding of Wellington ; le travail d’organisation qu’il fit à ce titre s’inspirait de son zèle pour la cause et lui valut le sobriquet d’« Intrigant » d’Elora. Pour lui, un parti était moins le défenseur des intérêts d’un groupe que la possible incarnation de la volonté du peuple. Cependant, ses espoirs furent déçus, en raison des dissensions qui opposaient les réformistes et du radicalisme de ses propres idées. Pendant que s’effondrait le gouvernement libéral de Francis Hincks* et d’Augustin-Norbert Morin* en 1854, il se rangea aux côtés du ministre clear grit John Rolph*, peut-être parce que celui-ci prônait résolument la séparation de l’Église et de l’État et le soutien de l’Église par contributions volontaires, ou peut-être parce qu’il avait des liens personnels avec lui par l’intermédiaire de Joseph Workman*, David Gibson* et David Christie*. En outre, sous le gouvernement Hincks–Morin, les grits idéalistes, tels Clarke, McDougall et Christie, étaient devenus de plus en plus critiques à l’endroit du leader réformiste indépendant George Brown*.
Sur la scène locale, Clarke fut membre du conseil du village d’Elora en 1858 et en 1866, et il en fut président de 1859 à 1864 et en 1867–1868. Il fit aussi partie du conseil de l’école secondaire. Sur la scène provinciale, il représenta la circonscription de Wellington Centre de 1871 à 1886, puis celle de Wellington East de 1886 à 1891. Il remporta successivement six élections générales sans opposition ou avec une majorité confortable. Par trois fois, cependant, il vit une place au cabinet du premier ministre libéral Oliver Mowat lui passer sous le nez. Il dut donc se contenter de la présidence de l’Assemblée, de 1880 à 1886, puis de la présidence du comité des comptes publics, de 1886 à 1891. Il garda sa déception pour lui et en 1891, Mowat le récompensa de ses longues années de loyaux services en le nommant greffier de l’Assemblée. Assermenté le 2 janvier 1892, il exerça cette fonction jusqu’en janvier 1907. Impudent à l’époque de sa jeunesse, Clarke s’apaisa au point de ne participer qu’à contrecœur aux débats parlementaires ; dans ses années de maturité, il se consacra à l’enregistrement des travaux de l’Assemblée. Symboliquement, le grand moment de sa carrière politique fut l’entrée en vigueur, en 1874, de la loi qui instaurait le scrutin secret aux élections provinciales ; il avait proposé cette loi l’année précédente.
Charles Clarke mourut à Elora le 6 avril 1909. Avant son décès, il publia Sixty years in Upper Canada. L’ouvrage tire sa valeur de ce qu’il contient les souvenirs amassés au fil de 25 années de participation à la vie politique ontarienne et de fréquentation des membres de l’Assemblée, et du talent de Clarke à y décrire son milieu et son temps. Son existence avait embrassé une époque dont il aimait rétrospectivement à dire qu’elle avait « probablement [été] la plus étonnante de l’histoire du monde ». Ses goûts et ses points de vue étaient typiques de ceux des bourgeois instruits et libéraux de l’époque victorienne. Il prônait la tempérance et le développement de l’agriculture (il fut vice-président de la North Riding Agricultural Society). Il vantait aussi les mérites de l’horticulture, de l’ornithologie et de l’histoire naturelle, occupations civilisatrices qui contraient le matérialisme du temps et développaient « l’intelligence générale [du] peuple ». Avec l’instituteur David Boyle*, il contribua beaucoup, dans les années 1870, à ce que l’historien Gerald Killan a appelé « l’éveil intellectuel » d’Elora. Sa participation aux affaires locales s’étendit à la vie militaire : il aida à former l’Elora Volunteer Rifles en 1861, en devint commandant pendant les raids féniens de 1866 et fut promu par la suite lieutenant-colonel du 30th (Wellington) Battalion of Rifles. Le colonel Clarke, comme on l’appelait, devint une sorte de sage dans sa vie privée et publique. La maxime suivante, tirée d’un tract qu’il avait composé à 15 ans contre les Corn Laws britanniques, aurait bien pu lui servir d’épitaphe : Aux sages d’enseigner, aux jeunes d’agir.
En plus de ses mémoires, Sixty years in Upper Canada, with autobiographical recollections (Toronto, 1908), et de ses essais journalistiques, les publications de Charles Clarke comprennent des textes de discours, Ontario elections, 1879 : to the electors of Centre Wellington (Elora, Ontario, 1879) et Teachers and teaching ; and, Then and now (Elora, 1880), ainsi que deux articles parus dans Rose-Belford’s Canadian Monthly and National Rev. (Toronto) : « Biennial legislation », 6 (janv.–juin 1881) : 340s. et « The mace and its use », 7 (juill.–déc. 1881) : 109–120. À titre de greffier de l’Assemblée législative, il prépara The member’s manual of practice and procedure in the Legislative Assembly of the province of Ontario, with decisions of Mr. Speaker, from 1867 to 1893, rules of the house, and miscellaneous information (Toronto, 1893), et deux éditions subséquentes : Practice and procedure (2e éd., 1898), et The member’s manual, Legislative Assembly of Ontario (3e éd., 1904).
AO, F 26.— Lincolnshire Arch. (Lincoln, Angleterre), Copy of baptismal certificate.— Univ. of Western Ontario Library (London), Regional Coll., Charles Clarke diaries.— Wellington County Arch. (Fergus, Ontario), Clarke coll.— Dundas Warder and Halton County General Advertiser (Dundas, [Ontario]), 1848–1851.— Elora Backwoodsman, 3 avril 1852–28 juill. 1858.— Journal and Express (Hamilton, [Ontario]), 1er déc. 1848, 16–19 juill., 1er déc. 1850.— Observer (Elora), 1859–1868.— Toronto Mirror, 1848–1851.— Weekly North American (Toronto), 1850–1853.— F. W. C. Abbott, « Charles Clarke : Clear Grit ; a political study, 1826–1871 » (thèse de
Kenneth C. Dewar, « CLARKE, CHARLES », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 2 oct. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/clarke_charles_13F.html.
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Auteur de l'article: | Kenneth C. Dewar |
Titre de l'article: | CLARKE, CHARLES |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1994 |
Année de la révision: | 1994 |
Date de consultation: | 2 oct. 2024 |