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BOUCHER DE BOUCHERVILLE, sir CHARLES (baptisé Charles-Eugêne-Napoléon, il signait C. B. de Boucherville), médecin et homme politique, né le 4 mai 1822 à Montréal, un des trois enfants de Pierre de Boucherville, seigneur de Boucherville, et de Marguerite-Émilie Bleury, et frère cadet de Georges de Boucherville* ; le 4 septembre 1861, il épousa à Montréal Susan Elizabeth Morrogh, et ils eurent un enfant, mais la mère et le bébé moururent peu après la naissance ; le 26 septembre 1866, il épousa à Varennes, Bas-Canada, Marie-Céleste-Esther Lussier, et de ce mariage naquirent un fils et une fille ; décédé le 10 septembre 1915 à Montréal.

Charles Boucher de Boucherville termina ses études classiques avec d’excellentes notes en 1840 au petit séminaire de Montréal, puis s’inscrivit en médecine au McGill College, où il obtint un doctorat en 1843. Ensuite, comme tant de riches étudiants en médecine de sa génération, il alla parfaire sa formation à l’université de Paris. Revenu en 1843, il reçut le 11 novembre son permis du Collège des médecins et chirurgiens du Bas-Canada, puis ouvrit un cabinet à Varennes. Il habiterait là jusqu’en 1861, année où il abandonnerait la médecine pour la politique et s’installerait à Boucherville. Fidèle à son ascendance seigneuriale, il s’engagea dans tous les secteurs de la vie communautaire. Il soutint, de ses conseils et de ses deniers, des œuvres pies, éducatives et caritatives. Il servit à titre de capitaine dans le 1er bataillon de milice de Chambly. Et, inexorablement, la politique l’appelait.

Boucherville fut élu pour la première fois à l’Assemblée législative de la province du Canada le 4 juillet 1861 dans la circonscription de Chambly. En mai suivant, il se joignit aux nombreux partisans du gouvernement de George-Étienne Cartier* et de John Alexander Macdonald* qui, en votant contre le projet de loi sur la milice, firent tomber ce gouvernement. Puis, le nouveau ministère formé par John Sandfield Macdonald* et Louis-Victor Sicotte* ne réussit pas à s’imposer et fut battu en mai 1863 par des indépendants et des conservateurs, dont Boucherville. Aux élections de juin, Boucherville fut réélu dans Chambly. Il représenterait cette circonscription jusqu’au 1er juillet 1867. Pendant cette période, il appuya la Grande Coalition [V. George Brown*], qui prônait la Confédération.

Après la création du dominion, le nouveau premier ministre de la province de Québec, Pierre-Joseph-Olivier Chauveau*, nomma Boucherville président du Conseil législatif et, par le fait même, membre du cabinet. Son assermentation eut lieu le 15 juillet. Lui confier cette présidence était un moyen de reconnaître son influence dans les circonscriptions du sud de Montréal, où il allait être responsable, avec Gédéon Ouimet* et Louis Archambeault*, de la stratégie électorale du gouvernement. Sa nomination au siège de conseiller législatif de la division de Montarville, qu’il occuperait jusqu’à sa mort en 1915, fut confirmée le 27 novembre 1867. Une des premières questions litigieuses dont il eut à débattre fut le sort de la paroisse Notre-Dame, qui était desservie par les sulpiciens et dont l’évêque catholique de Montréal, Ignace Bourget*, réclamait le démembrement. Au cabinet, Boucherville promut sans succès la requête de l’évêque en faveur de la reconnaissance civile des nouvelles paroisses érigées par celui-ci en vertu du droit canon.

En février 1873, le nouveau premier ministre, Ouimet, nomma John Jones Ross* président du Conseil législatif à la place de Boucherville. Toutefois, le ministère Ouimet commença bientôt à se désagréger à cause du scandale des Tanneries [V. Louis Archambeault]. Les conservateurs se tournèrent alors vers l’honnête Boucherville pour qu’il forme un nouveau gouvernement. Il semblait tout désigné pour faire le ménage qui s’imposait. Certes, il manquait de panache et de charisme, mais dans sa famille, on participait à la chose publique depuis Pierre Boucher*. Aucune faction du Parti conservateur ne le détestait ; il était soutenu par le clergé catholique, respecté par la communauté anglophone et capable de s’attacher les ultramontains [V. François-Xavier-Anselme Trudel*]. Néanmoins, former un cabinet acceptable pour tous n’était pas facile, et il dut compter sur l’aide d’Hector-Louis Langevin*, le chef des conservateurs fédéraux de la province. Il acheta la paix avec les anglophones en laissant Joseph Gibb Robertson* au poste de trésorier de la province. Il rallia les « bleus » d’Auguste-Réal Angers, qui devint solliciteur général. En outre, il fit une place aux jeunes opportunistes impatients du groupe de Joseph-Adolphe Chapleau* en nommant Levi Ruggles Church* procureur général. Le 22 septembre 1874, jour de son assermentation, Boucherville assuma les fonctions de premier ministre, de secrétaire de la province, de registraire et de ministre de l’Instruction publique.

Inaugurée en décembre 1874, la première session de la législature devait servir avant tout à dissocier les conservateurs du scandale des Tanneries et, si possible, à laver le ministère Ouimet de toute accusation de malversations. L’Assemblée forma un comité d’enquête. Les conservateurs, majoritaires au comité, veillèrent à ce que le rapport ne dise rien sur l’innocence ou la culpabilité d’un quelconque membre du cabinet Ouimet, mais ils recommandèrent, avec les libéraux, d’annuler l’échange de terrains qui avait causé le scandale. Ainsi, Boucherville désamorça l’affaire.

En outre, au cours de sa première session, Boucherville réalisa de grandes réformes électorales : scrutin secret, tenue des élections le même jour dans toutes les circonscriptions, imposition d’un nouveau cens électoral et de nouvelles règles d’éligibilité. Certaines formes de corruption visant à obtenir des votes – cadeaux, prêts, menaces, distribution d’aliments et de boissons – furent frappées d’illégalité. Ces réformes entrèrent en vigueur à temps pour les élections générales provinciales du 7 juillet 1875.

Reporté au pouvoir avec une solide majorité, Boucherville s’occupa sans tarder de délicates questions d’importance pour l’Église catholique. Tout en reconnaissant civilement les paroisses érigées par Bourget à Montréal, le gouvernement se retira de ce qui était peut-être son principal domaine d’intervention : l’éducation. Il priva les hommes politiques de toute emprise sur le système scolaire en abolissant le ministère de l’Instruction publique et en rétablissant un département. Le ministre du cabinet, responsable devant l’Assemblée, fut remplacé par un haut fonctionnaire, le surintendant de l’Instruction publique [V. Gédéon Ouimet], qui devait suivre les directives du Conseil de l’instruction publique. En fait, les hommes politiques abandonnaient l’éducation aux évêques catholiques et aux leaders protestants qui dominaient les deux comités confessionnels du conseil. Cette réforme mit fin au système scolaire unique qui était en voie de se constituer dans la province et le divisa en deux sections entièrement indépendantes et confessionnelles. Boucherville serait membre du comité catholique pendant une courte période et en démissionnerait en 1888.

Par ailleurs, Boucherville modifia la politique ferroviaire. En septembre 1875, le gouvernement décida de prendre en main la construction du chemin de fer de la rive nord, qui devait relier Québec et Montréal, et la construction du chemin à lisses de colonisation du nord de Montréal, qui irait de Montréal à Ottawa. La même année, en fusionnant ces deux lignes, il créa le chemin de fer de Québec, Montréal, Ottawa et Occidental. Toutefois, la Compagnie du chemin de fer du Grand Tronc, qui desservait la rive sud du Saint-Laurent, persuada les milieux financiers de ne pas avancer le capital nécessaire aux travaux, ce qui obligea Boucherville à intervenir pour protéger les lourds investissements de la province. À cause de la forte dépression des années 1870, le gouvernement cessa de subventionner tous les chemins de fer, sauf le Québec, Montréal, Ottawa et Occidental.

En janvier 1876, Robertson, des Cantons-de-l’Est, démissionna parce qu’il était incapable d’obtenir des subventions pour un chemin de fer dans sa région. Profitant de l’occasion pour remanier son cabinet, Boucherville s’attribua, en plus de ses autres charges, le portefeuille de l’Agriculture et celui des Travaux publics, qui incluait le chemin de fer. Le nouveau cabinet fut assermenté le 25 janvier 1876.

Écrasé par un énorme déficit, le gouvernement se trouva dès 1878 dans l’impossibilité de continuer la construction du chemin de fer. Comme il avait déjà emprunté plus de 7 millions de dollars et épuisé ses autres possibilités de crédit, il décida de faire appel aux municipalités situées le long du trajet, car elles avaient promis des fonds mais n’avaient encore rien versé. À la fin de janvier 1878, Boucherville présenta un projet de loi pour les obliger à respecter leurs engagements. Le lieutenant-gouverneur, Luc Letellier* de Saint-Just, saisit ce prétexte pour démettre le premier ministre de ses fonctions.

Letellier, libéral, et Boucherville, conservateur, se méfiaient l’un de l’autre depuis le début du mandat du lieutenant-gouverneur en décembre 1876. Convaincu que Letellier renseignerait les libéraux sur la politique gouvernementale, Boucherville lui en avait caché certains aspects. En outre, il en était venu à considérer l’assentiment de Letellier comme une simple formalité. Une part de sa négligence venait de ce que, dans le passé, il avait eu affaire à un lieutenant-gouverneur malade, René-Édouard Caron*. Néanmoins, il avait eu tort de publier en novembre 1877, sous la signature de Letellier, des proclamations que celui-ci n’avait jamais signées. De son côté, Letellier donnait à son propre rôle une importance excessive. Il faisait valoir avec raison qu’il devait être consulté sur toutes les questions administratives et politiques, mais il avait tort de croire que ses ministres étaient tenus d’obéir à ses vœux. Discutable de toute manière, la révocation de Boucherville, survenue le 2 mars 1878, l’était d’autant plus que le premier ministre avait la majorité à l’Assemblée.

En se faisant révoquer, Boucherville perdit de l’autorité en tant que chef des conservateurs. Letellier confia la formation du nouveau gouvernement à un libéral qui ne pouvait pas compter sur une majorité en Chambre, Henri-Gustave Joly*, et prononça à sa demande la dissolution de l’Assemblée. Les libéraux gagnèrent quelques sièges aux élections du 1er mai 1878 et restèrent au pouvoir. Comme Angers, leur leader en Chambre, avait été défait, les conservateurs demandèrent à Chapleau de le remplacer. Se résignant à l’inévitable, Boucherville démissionna de la direction du parti.

Les états de service de Boucherville au Parti conservateur ne furent quand même pas oubliés. Lorsque sir John Alexander Macdonald redevint premier ministre du Canada, à l’automne de 1878, il veilla à faire nommer Boucherville au Sénat. Ce dernier y entra le 13 février 1879 à titre de représentant de la division de Montarville. Contrairement à certains sénateurs de la province de Québec, il s’intéressait surtout aux affaires de cette dernière. Le gouvernement conservateur de Chapleau, porté au pouvoir à Québec en octobre 1879, put bientôt constater qu’il n’approuvait pas ses orientations. Boucherville n’avait pas oublié comment Chapleau s’était emparé de la direction du parti. Toutefois, il rompit avec lui seulement en 1882, à l’annonce de la politique ferroviaire.

En apprenant que Chapleau subdivisait et vendait le chemin de fer de Québec, Montréal, Ottawa et Occidental [V. Louis-Adélard Senécal*], Boucherville conclut qu’il y avait de la corruption derrière tout cela. Pour Chapleau, cette ligne devait faire partie d’un grand chemin de fer transcontinental. Faute d’avoir pu convaincre la Compagnie du chemin de fer canadien du Pacifique de la prendre entièrement en charge, il avait accepté un compromis qui garantissait que le terminus d’été serait à Montréal. Pour Boucherville, au contraire, le Québec, Montréal, Ottawa et Occidental était une ligne locale dont le principal objectif était de desservir la population de la rive nord du Saint-Laurent. En raison des accusations d’activités criminelles qui firent surface après la vente, il réclama une enquête. Les partisans de Chapleau le vilipendèrent dans la presse. Le chef de l’opposition, Joly, l’invita à se joindre à une alliance, mais Boucherville était un conservateur trop fervent pour envisager même cette possibilité, et il estimait que le parti survivrait aux agissements de quelques-uns de ses membres. L’affaire ne se régla pas à son entière satisfaction : le gouvernement provincial créa une commission royale à la fin de 1884 [V. Adolphe-Basile Routhier], mais la vente du chemin de fer ne fut pas annulée.

En tant que premier ministre, Boucherville avait été incapable de régler le problème des biens des jésuites [V. Antoine-Nicolas Braun*], mais il dressa au début de 1885 un plan qui semble avoir servi de base au règlement final de ce litige par le gouvernement libéral d’Honoré Mercier* en 1888. Résolument favorable aux jésuites, Boucherville accepta de défendre au Conseil législatif le projet de loi sur cette question.

Tout occupé qu’il ait été par les affaires provinciales, Boucherville avait continué de contrarier Chapleau, ministre du cabinet fédéral depuis juillet 1882. Chapleau, qui en 1885 se donnait beaucoup de peine pour justifier la décision du cabinet conservateur sur la pendaison du chef métis Louis Riel* en 1885, était déçu que Boucherville se taise sur le sujet. La même année, Chapleau présenta un projet de loi restreignant l’immigration chinoise, et Boucherville se prononça contre. En conséquence, l’année suivante, Chapleau opposa son veto à l’entrée de Boucherville au cabinet provincial de John Jones Ross et, au printemps de 1891, il refusa qu’on lui confie la présidence du Sénat. Macdonald espérait que Boucherville pourrait mobiliser les conservateurs pour les élections prochaines. Chapleau fit valoir que le poste devait aller à un partisan loyal.

Une récompense plus appréciable que la présidence du Sénat échut à Boucherville en décembre 1891 : le poste de premier ministre de sa province. Ironie du sort, il reprit le pouvoir par un coup d’État semblable à celui qui lui avait coûté ce même poste en 1878. Le 16 décembre 1891, le lieutenant-gouverneur Angers destitua le premier ministre Mercier à cause du scandale du chemin de fer de la baie des Chaleurs et demanda à Boucherville de former un gouvernement. Quand Boucherville entra en fonction, le 21 décembre, les libéraux contestèrent, comme les conservateurs en 1878, le droit du lieutenant-gouverneur de révoquer un premier ministre ayant la majorité à l’Assemblée. Une deuxième question constitutionnelle se posa tout de suite après. Espérant récolter une majorité conservatrice, Boucherville demanda au lieutenant-gouverneur de dissoudre l’Assemblée et de convoquer des élections le 8 mars 1892. Les libéraux firent valoir qu’une nouvelle session devait commencer au plus tard le 29 décembre 1891 car, en vertu de la constitution, une session parlementaire devait se tenir tous les 12 mois. Boucherville répondit que le peuple jugerait ; il récolta une majorité écrasante.

Pendant son deuxième mandat, Boucherville maintint la bonne entente avec l’Église catholique en évitant plusieurs questions épineuses, dont la crise scolaire du Manitoba [V. Thomas Greenway*], la poursuite de la réforme du système scolaire et l’ingérence de l’État dans les asiles. Il poursuivit la colonisation du Lac-Saint-Jean et accorda aux femmes le droit de voter aux élections municipales et scolaires, mais non le droit de s’y porter candidates. Néanmoins, ce furent surtout les finances qui retinrent son attention. Sous Mercier, la dette provinciale avait plus que doublé et les dépenses courantes avaient augmenté de près d’un tiers. Pour régler le problème, Boucherville fit adopter une série de projets de lois fiscaux : l’un imposait une taxe à tout commerçant et à toute entreprise faisant de la fabrication ; un deuxième taxait les membres des professions libérales, par exemple les avocats et les ingénieurs ; un troisième augmentait les impôts des sociétés commerciales ; d’autres imposaient des droits sur les transferts de biens immobiliers et instauraient les droits de succession. Acceptées par les principaux milieux d’affaires, ces mesures sévères ne plurent pas à tous.

Toutefois, Boucherville n’allait pas devoir en subir les conséquences. À la fin de 1892, Chapleau et Angers s’échangèrent leurs postes. Boucherville informa immédiatement le nouveau premier ministre du pays, sir John Sparrow David Thompson*, qu’il refuserait de servir sous le lieutenant-gouverneur Chapleau. Après avoir remis sa démission, il conseilla à Chapleau de confier la formation du nouveau gouvernement à Louis-Olivier Taillon*. Il quitta son poste le 16 décembre 1892. Bien que Chapleau ait laissé entendre que la décision de Boucherville était trop dictée par l’orgueil et pas assez par le sens du devoir, les deux hommes se quittèrent en bons termes. Le 26 mai 1894, Boucherville reçut le titre de compagnon de l’ordre de Saint-Michel et Saint-Georges en récompense de ses services.

Âgé de plus de 70 ans et parvenu au crépuscule de sa carrière, Boucherville n’en continua pas moins de se prononcer sur des questions d’actualité à titre de conseiller législatif et de sénateur. Il soutint énergiquement le premier ministre du Canada, sir Charles Tupper, qui promit en 1896 une loi réparatrice pour régler la crise scolaire du Manitoba. En 1900, il s’opposa au premier ministre de la province de Québec, Félix-Gabriel Marchand*, qui tentait d’abolir le Conseil législatif.

Dans la dernière partie de sa vie, Boucherville s’intéressa surtout aux affaires fédérales. En juillet 1899, quand la Chambre des communes adopta une résolution circonspecte en faveur de certains actes commis par les Britanniques contre les Boers, il déclara au Sénat qu’il ne fallait pas condamner les Boers sans avoir de rapports officiels sur la situation. Il préconisa la création, dans la région d’Ottawa, d’un district de la capitale nationale, sur le modèle du district de Columbia aux États-Unis. Orthodoxe en matière d’économie, Boucherville était plus tolérant que la plupart des Canadiens en ce qui avait trait à l’immigration chinoise. En 1903, il s’opposa à ce que le gouvernement porte de 100 $ à 500 $ le droit d’entrée imposé aux Chinois. Selon lui, des sujets britanniques (certains Chinois venaient de Hong-Kong) ne devaient pas être forcés de verser 500 $ pour venir au Canada, et la nouvelle loi revenait à prohiber l’immigration chinoise.

L’enjeu de la dernière grande bataille politique de Boucherville fut la création d’une marine canadienne. À l’âge de 87 ans, il se prononça contre le projet de loi concernant le Service de la marine du Canada que proposait le gouvernement libéral de sir Wilfrid Laurier. Établir une marine supposait des dépenses énormes, fit-il valoir, et, si la flotte était placée sous commandement britannique, le Canada risquait d’être entraîné dans des conflits sans son consentement. À l’instar d’un certain nombre de conservateurs de sa province, il prit position contre son propre parti sur cette question et réclama un référendum. Il se retrouva du côté des perdants, tout comme en 1913, lorsque, âgé de 91 ans, il soutint le projet de loi conservateur sur l’aide à la marine, qui fut défait au Sénat par la majorité libérale. Pour le récompenser de ses loyaux services, le premier ministre du pays, Robert Laird Borden*, le fit créer chevalier le 22 juin 1914.

Alerte et robuste jusqu’à la fin, Boucherville tomba malade au début de septembre 1915 et mourut une semaine après. Ce parlementaire compétent et chevronné était un vrai gentleman. À l’aise en anglais comme en français, il avait de la repartie et maîtrisait l’art de la conversation, bien qu’il ait été un piètre orateur. Il était distingué et bel homme. Ce grand liseur bénéficiait d’une excellente mémoire. Il avait parcouru un grande partie du monde et se plaisait à raconter les contes et légendes du Canada français.

Féru d’histoire, sir Charles Boucher de Boucherville n’a pas été choyé par les historiens. Personne n’a écrit sa biographie ; dans les ouvrages généraux, on ne le mentionne qu’en passant. Pourtant, il a eu, dans la vie publique du Canada français, bien plus d’importance que son historiographie ne semblerait l’indiquer. Proche du pouvoir durant plus d’un demi-siècle, il représentait une espèce en voie de disparition, une classe d’individus pour qui les charges publiques étaient une mission de confiance que l’on devait accepter par devoir envers la collectivité. Il se trouva en butte à des hommes politiques d’un nouveau genre, des carriéristes qui recherchaient le pouvoir pour avoir leur part du gâteau. Fervent catholique, il était convaincu que la religion avait un rôle à jouer dans la vie collective, contrairement à ceux qui favorisaient la séparation de l’Église et de l’État. Le plus souvent dans la coulisse, il s’employa sans relâche à maintenir l’hégémonie du Parti conservateur.

Kenneth Munro

AN, MG 26, A ; D.— ANQ-M, CE1-51, 6 mai 1822, 4 sept. 1861 ; CE6-10, 26 sept. 1866.— Montreal Daily Star, 11 sept. 1915.— L.-P. Audet et Armand Gauthier, le Système scolaire du Québec (2e éd., Montréal, 1969).— [Georges de Boucherville], The DeBoucherville government and the causes which led to their dismissal ; an historical account (Montréal, 1878).— Canada, Parl., Doc. de la session, 1879, no 19 ; Sénat, Débats, 1879–1916.— Canadian directory of parl. (Johnson).— Canadian men and women of the time (Morgan ; 1898 et 1912).— J. Desjardins, Guide parl. M. Hamelin, Premières Années du parlementarisme québécois. [Louis Lalande], Une vieille seigneurie, Boucherville ; chroniques, portraits et souvenirs (Montréal, 1890).— K. J. Munro, The political career of Sir Adolphe Chapleau, premier of Quebec, 1879–1882 (Queenston, Ontario, [1992]).— Québec, Assemblée législative, Débats, 1871–1875 ; Journaux, 1874–1875 ; Commission royale, Enquête concernant le chemin de fer Québec, Montréal, Ottawa et Occidental (4 vol., Québec, 1887) ; Conseil législatif, Débats, 1882.— Rumilly, Hist. de la prov. de Québec, 1–12.

Bibliographie de la version révisée :
McGill College, Calendar (Montréal), 1859–1860.

Bibliographie générale

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Kenneth Munro, « BOUCHER DE BOUCHERVILLE, sir CHARLES (baptisé Charles-Eugêne-Napoléon ; C. B. de Boucherville) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 19 mars 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/boucher_de_boucherville_charles_14F.html.

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Auteur de l'article:    Kenneth Munro
Titre de l'article:    BOUCHER DE BOUCHERVILLE, sir CHARLES (baptisé Charles-Eugêne-Napoléon ; C. B. de Boucherville)
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1998
Année de la révision:    2018
Date de consultation:    19 mars 2024