RIDOUT, THOMAS GIBBS, banquier, né le 10 octobre 1792 près de Sorel, Bas-Canada, troisième fils de l’arpenteur général Thomas Ridout* et de Mary Campbell ; le 5 avril 1825, il épousa Anna Maria Louisa Sullivan (décédée en 1832), et de ce mariage naquirent deux fils et une fille ; le 6 septembre 1834, il se remaria à Matilda Ann Bramley qui donna naissance à six garçons et cinq filles ; décédé le 29 juillet 1861 à Toronto.

Les parents de Thomas Gibbs Ridout s’installèrent à Newark (Niagara-on-the-Lake) en 1792, puis à York (Toronto) en 1797. Thomas Gibbs fréquenta l’école de John Strachan à Cornwall et, à 17 ans, il fut nommé au poste d’adjoint de son père, qui était alors receveur de l’enregistrement du comté d’York. Il fut également commis à titre temporaire dans plusieurs départements gouvernementaux. En 1811, muni de lettres d’introduction du lieutenant-gouverneur Francis Gore*, Ridout se rendit en Angleterre avec l’espoir d’entreprendre une carrière dans l’une des grandes maisons d’affaires de Londres. Cependant, le commerce britannique subissait les effets du blocus continental établi par Napoléon ; de retour dans le Haut-Canada, au début de la guerre avec les États-Unis, Ridout devint lieutenant dans le 3e régiment de la milice d’York. Il fut nommé commis temporaire dans les services de l’Intendance de l’armée, peut-être grâce à l’influence de son père qui y avait travaillé précédemment, et, en septembre 1813, on l’envoya à la frontière du Niagara. En janvier 1814, Ridout fut promu sous-adjoint au commissaire général au salaire de £500 et il fut affecté à Cornwall. Moins d’un mois après avoir accédé à cette fonction, il imita le népotisme pratiqué par son père et d’autres membres de la petite clique gouvernementale d’York : il procura à son frère John, âgé de 14 ans, un poste de commis particulier. Pendant la dernière année de la guerre, il s’occupa d’acheter les approvisionnements des forces britanniques établies sur le haut Saint-Laurent, souvent en s’adressant aux fermiers et aux marchands de l’état de New York. Il travailla dans les services de l’Intendance jusqu’en 1820, alors qu’il quitta l’armée à la demi-solde. C’est probablement à Québec, où il était en poste après la guerre, que Ridout se trouva mêlé à une querelle qui opposa sa famille au clan des Jarvis et aboutit, en 1817, au duel dans lequel Samuel Peters Jarvis* tua John Ridout.

En 1821, une occasion d’occuper un emploi civil s’offrit à Thomas Gibbs Ridout quand la Bank of Upper Canada fut constituée en société par un groupe de fonctionnaires du gouvernement et de marchands d’York. En janvier 1822, il fut unanimement élu premier caissier, ou directeur général, par les actionnaires de la banque avec un salaire de £200. Ayant manipulé et déboursé de grosses sommes d’argent pendant la guerre, il était le candidat tout désigné à ce poste. Il fut accepté par les membres de plus en plus nombreux de la clique des tories de la capitale, parce qu’il appartenait à l’une des plus anciennes familles d’York, et par le groupe des modérés qui s’affirmait de plus en plus, en raison des vues libérales qui étaient les siennes et celles de sa famille. Il ne tarda pas à se rendre à Philadelphie et à Londres afin de se familiariser autant que possible avec les méthodes bancaires courantes et d’acheter des planches d’imprimerie et du papier. Durant les premières années, Ridout fut en faveur de mesures favorisant l’usage du numéraire ; il était soutenu en cela par des marchands comme John Spread Baldwin contre des partisans du gouvernement, tels les Boulton, les Robinson et John Strachan, qui souhaitaient un système de crédit plus facile et une plus grande circulation de papier-monnaie. Il faut croire, cependant, que sa participation à la mise en œuvre de la politique monétaire de la banque fut minime, car les défenseurs de l’extension des facilités de crédit ne tentèrent pas de l’évincer lorsqu’ils prirent le contrôle du conseil d’administration en 1825. Une fois assuré de son poste de directeur général, Ridout commença d’occuper la place qui lui revenait en tant que membre de la seconde génération des propriétaires fonciers d’York. En 1824, il acheta d’Andrew Mercer*, au prix de £500, le domaine de Sherborne qui était situé à la lisière nord de la ville ; en 1825, il se maria et devint de ce fait le beau-frère de Robert Baldwin* et de Robert Baldwin Sullivan*.

Aux yeux d’un bon nombre de gens, dans les années 20 et 30, la Bank of Upper Canada était en pratique un instrument du « Family Compact ». Appelé à comparaître devant un comité spécial de l’Assemblée en 1835, Ridout défendit les décisions prises par la banque et il affirma : « Tout fermier ou individu, étant commerçant ou de condition respectable, qui peut fournir une garantie personnelle inattaquable, a le droit d’obtenir des banques publiques un crédit raisonnable en proportion de ses moyens, sans que cela ne soit considéré comme une faveur. » Le conseil d’administration et les employés, évidemment, interprétèrent à leur guise les expressions « condition respectable » et « crédit raisonnable », et la banque fut souvent la cible des critiques formulées par les réformistes radicaux. William Lyon Mackenzie détestait cette institution tory à tel point qu’il interrompit la marche qui le menait de la rue Yonge à Toronto, en décembre 1837, pour incendier la maison du docteur Robert Charles Horne*, caissier principal de la banque et beau-frère du premier président, William Allan*. Ridout, quant à lui, servit depuis le début de la rébellion jusqu’à la fin d’avril 1838 comme capitaine dans la Bank of Upper Canada Guard, une unité de milice formée dans le seul but de protéger la banque et ses coffres contre les forces rebelles. Vers la fin de 1838, à cause de la tension provoquée par une attaque des Patriotes près de Prescott, la banque fut encore une fois convertie en place forte et servit temporairement d’abri à la famille de Ridout et à celle de Robert Baldwin Sullivan. Mais la banque ne subit finalement aucun dommage durant les troubles de 1837–1838, et, à peine quelques mois plus tard, Ridout se souciait bien plus des soirées et des bals de la saison hivernale que de la défense de l’immeuble.

Dans les années 40, Thomas Gibbs Ridout, ayant atteint l’âge mûr, s’intéressa de plus en plus aux affaires publiques. En 1841, il présida le comité électoral qui aida le réformiste Isaac Buchanan* à remporter la victoire comme représentant de Toronto à l’Assemblée. Premier initié à la St Andrew’s Masonic Lodge en 1823, Ridout devint grand maître provincial en 1846. Il fut aussi membre de la St Andrew’s Society de Toronto, dont il occupa le poste de second vice-président en 1843, puis de président en 1848–1849 et en 1849–1850. Il fut le premier président du Toronto Mechanics’ Institute, à partir du moment où celui-ci obtint sa constitution juridique en 1847. Cette année-là, il se joignit à des notables torontois comme William Botsford Jarvis et Joseph Clark Gamble pour mettre sur pied la Toronto, Hamilton, Niagara, and St Catharines Electro-Magnetic Telegraph Company. Avant son décès, il occupa quelque temps le poste de trésorier du Trinity College.

En 1850, la Bank of Upper Canada devint la banque officielle du gouvernement ; Ridout fut bientôt mêlé à la politique des chemins de fer, en même temps que l’institution qu’il administrait, et il s’engagea aussi dans la spéculation foncière. En 1852, il fut l’un des membres fondateurs de la Compagnie de chemin de fer du Grand Tronc et, avec Peter* et Isaac Buchanan, il participa à l’établissement de la Hamilton and Toronto Railway Company qui était, dans l’Est, une filiale de la plus importante entreprise de Buchanan, la Great Western Railway Company. En outre, il tenta sans succès de persuader Peter Buchanan, qui demeurait alors à Glasgow, de devenir le représentant de la banque à Londres. L’année suivante, la banque ouvrit un compte à la Great Western et le fils aîné de Ridout, Thomas, devint aide-ingénieur dans cette compagnie – nomination qui ne fut probablement pas l’effet du hasard. Moins d’un mois plus tard, Thomas Gibbs Ridout reçut d’Isaac Buchanan 40 actions de la Great Western, ce qui le rendait apte à siéger au conseil d’administration. Toutefois, ces arrangements ne furent pas sans causer à Ridout quelques moments d’inquiétude ; en 1854, lorsqu’on fut mis au courant de l’importance des prêts consentis par la banque à la Great Western, il sembla que des pressions allaient être exercées à la législature pour forcer le gouvernement à retirer son propre compte. Une telle décision fut prise par les autorités gouvernementales pour d’autres motifs, deux ans et demi après la mort de Ridout, et ce geste fut l’une des principales causes de la faillite de la banque.

Si la Bank of Upper Canada était de plus en plus soumise à des critiques et à des enquêtes parlementaires, Ridout voyait augmenter sans cesse sa fortune personnelle. En 1853, son traitement de directeur général passa de £750 à £1 000. Se laissant gagner par la fièvre de la spéculation qui précéda la dépression de 1857, il estimait que sa propriété de Sherborne valait £16 000, ou £20 000 une fois morcelée, et il envisageait la possibilité de la vendre, tout en affirmant qu’il n’était « pas pressé de le faire ». Quand il se décida à vendre son terrain, un mois avant sa mort, il n’en obtint que $9 500. En 1853, il mit également en valeur plusieurs centaines d’acres près de Port Hope. Il y avait fait construire deux rues et il avait l’intention de vendre les 76 lots à bâtir au prix de £30 à £35 chacun. Il envisageait la possibilité de mettre en valeur un terrain de 100 acres, situé au nord de la ville, en le divisant en lots d’une acre qui devaient lui rapporter £100 chacun. Ridout possédait aussi 100 acres « sur la rive du lac et près du port [...] où [devait] passer le chemin de fer du Grand Tronc », et il jugeait que ce terrain valait quatre à cinq fois celui du nord de la ville. Une fois que tous ces biens seraient vendus, confiait-il à sa femme, « j’imagine que je n’aurai plus à me tourmenter au sujet de la banque [la Bank of Upper Canada] ». Il dut renoncer à ses vastes ambitions lorsque la fièvre de la spéculation tomba en 1857 ; il ne laissa dans son testament que la modeste somme de $4 160.

La dépression qui marqua la fin des années 50 eut des effets néfastes sur la situation financière de la Bank of Upper Canada et sur la fortune de son directeur général. Comme un grand nombre de ses contemporains, Thomas Gibbs Ridout ne fut pas en mesure de faire face aux nouvelles conditions économiques ; en outre, sa santé commença à s’altérer. En avril 1861, il céda son poste à un financier plus jeune, Robert Cassels*, qui reconnut dans son premier rapport que la banque avait subi des pertes de $1 500 000, soit la moitié de son capital, à la suite de spéculations imprudentes dans les domaines du chemin de fer et de la propriété foncière. Ridout vit sa santé se détériorer de plus en plus et il mourut à Toronto le 29 juillet 1861.

Robert J. Burns

APC, MG 24, D16, 52 ; RG 8, I (C series), 1 171, p.20 ; 1203, p.215.— PAO, Ridout papers.— York County Surrogate Court (Toronto), will of Thomas Gibbs Ridout, 3 nov. 1860 ; inventory of estate, 21 sept. 1861.— Canada, prov. du, Statutes, 1847, c.81 ; 1852, c.44.— H.-C., House of Assembly, Journal, 1835, app.iii.— Ten years in Upper Canada in peace and war, 1805–1815 ; being the Ridout letters [...], Matilda [Ridout] Edgar, édit. (Toronto, 1890).— Town of York, 1793–1815 (Firth).— Town of York, 1815–1834 (Firth).— Globe, 30 juill. 1861.— Toronto directory, 1837–1856.— One hundred years of history,1836–1936 : St. Andrew’s Society, Toronto, John McLaverty, édit. (Toronto, 1936).— R. M. Breckenridge, The Canadian banking system, 1817–1890, Canadian Bankers’ Assoc., Journal (Toronto), II (1894–1895) : 105–196, 267–366, 431–502, 571–660.— E. C. Guillet, Pioneer banking in Ontario : the Bank of Upper Canada, 1822–1866, Canadian Banker (Toronto), 55 (1948) : 115–132.

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Robert J. Burns, « RIDOUT, THOMAS GIBBS », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 9, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 9 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/ridout_thomas_gibbs_9F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 9
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1977
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