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BALDWIN, ROBERT, avocat et homme politique, né le 12 mai 1804 à York (Toronto), fils aîné de William Warren Baldwin* et de Margaret Phoebe Willcocks ; le 31 mai 1827, il épousa Augusta Elizabeth Sullivan, et ils eurent deux fils et deux filles ; décédé le 9 décembre 1858 près de Toronto.

Robert Baldwin grandit dans le cercle vaste mais assez fermé des Willcocks, des Russell et des Sullivan. Dans la société haut-canadienne, peu d’institutions avaient autant d’importance que la famille, et celle des Baldwin était unie par des liens particulièrement étroits et affectueux. Malheureusement, le peu de documents qui subsistent ne nous laissent qu’entrevoir l’enfance et l’adolescence de Baldwin. Sa conduite et ses propos d’adulte, par contre, démontrent que son caractère se forma dans l’enfance sous l’influence de l’homme courtois et doué qu’était son père et, plus encore peut-être, de sa mère, qu’il décrivit un jour comme « l’esprit supérieur de la famille » et qui s’occupa probablement de sa première éducation.

Baldwin fit ses études à York, à l’école de John Strachan*. En 1818, son père notait qu’il avait « acquis toute l’instruction que [l’]école dispens[ait] aux garçons de son âge ». Et il ajoutait : « Je l’y laisserai encore deux ans [...] J’ai l’intention, plaise à Dieu, d’en faire un avocat. » Plus que l’école cependant, ce furent les attentes et les principes de ses parents, et surtout leurs exhortations à être bon et à se bien conduire, qui le modelèrent. D’ailleurs, ils fondèrent encore plus d’espoirs sur lui après la mort de ses jeunes frères Henry (décédé en 1820) et Quetton St George (décédé en 1829). Obéir à ses principes, agir sans transiger avec eux : dans sa carrière publique, Baldwin respecterait cet héritage parental. Mais pour l’heure, ces règles lui pesaient car, dirait-il plus tard « [j’étais] un sceptique – Dieu me pardonne – quoique, je l’espère, pas tout à fait un incroyant ». En outre, il était mélancolique, maladif et très émotif.

Une propension à idéaliser les femmes et un ardent désir de connaître l’amour parfait, tels étaient les traits dominants de cet adolescent qui, en 1820, entreprenait sa carrière dans le cabinet d’avocat de son père. Baldwin avait peu d’amis. Le plus intime était un autre jeune homme au tempérament délicat et raffiné, James Hunter Samson*, qui avait quitté York pour Kingston au début de 1819 et avec qui il correspondait, quoique irrégulièrement. Cette année-là, ils entamèrent un débat sur les mérites de l’amour et de l’amitié. Baldwin se montra catégorique : l’amour d’un homme et d’une femme était plus noble que l’amitié de deux hommes.

Baldwin consacrait une partie de ses moments de loisir à la poésie. Lui et Samson s’échangeaient leurs poèmes et se critiquaient mutuellement. En juin 1819, Baldwin abandonna le projet d’écrire un poème épique pour travailler à une Ode to Tecumse que Samson louangea. Pour Baldwin, la poésie était un moyen privilégié d’exprimer les pensées et les émotions qui le dominaient. Il écrivait souvent sur l’amour, et une grande partie de ses vers était dédiée à une femme ou aux femmes. La vertu était aussi l’un de ses thèmes. En Tecumseh*, il admirait l’être plus « résolu à périr qu’à céder ». Déjà, ses lettres révèlent à quel point sa santé serait toujours délicate. Son équilibre mental n’était pas moins fragile. Et pourtant, le monde, tout comme sa propre famille semble-t-il, soupçonnait peu les doutes et les démons qui assaillaient le jeune Robert.

Le plus grand désir de Baldwin, trouver l’amour parfait, se réalisa au début de 1825 : il tomba amoureux de sa cousine germaine, Augusta Elizabeth Sullivan. Les lettres qu’il lui écrivit, retrouvées récemment, révèlent un fervent romantique, un homme plus passionné qu’on ne l’avait cru. En avril 1825, son admission au barreau lui paraissait secondaire à côté de son amour tout neuf. Mais le même mois, les deux familles découvrirent leur idylle, et Elizabeth fut envoyée chez des parents à New York. Pour Baldwin, l’amour prit une saveur douce-amère. Elizabeth était la seule personne à qui il pouvait confier ses aspirations les plus secrètes et, dans ses lettres, il laissait libre cours à ses émotions – son envahissante mélancolie, sa peur de l’échec professionnel, sa conscience de la fugacité du bonheur. Toute sa vie, il demeurerait très sensible à la mutabilité humaine et à sa forme la plus extrême, la mortalité. Pouvant enfin, grâce à son intimité avec Elizabeth, plonger dans ses émotions jusque-là inexprimées, il en venait presque à oublier l’univers. Elizabeth devenait « la plus douce source de [son] bonheur futur et la plus aimable consolatrice de [ses] déceptions à venir ». L’amour, pour Baldwin, n’était pas une chimère ; il n’était pas non plus que passion. C’était un sentiment plus élevé, pur et spirituel. Fait peu surprenant, donc, que sa prédilection pour les romans qui exaltaient les vertus de la vie domestique, et surtout pour le Camilla de Fanny Burney, panégyrique de la vie familiale et du mariage.

Baldwin fut reçu au barreau le 20 juin 1825 et, trois jours plus tard, son père, trésorier de la Law Society of Upper Canada, le présenta au tribunal. Seule Elizabeth sut ce que l’événement signifiait vraiment pour lui : « Lorsque je songe à quel point notre bonheur dépend de ma réussite professionnelle, écrivait-il, [...] j’avoue que je tremble presque d’angoisse. » Mais, tout absorbé qu’il ait été par Elizabeth, Baldwin n’en accrut pas moins ses compétences d’avocat pendant leur séparation. Il plaida devant les tribunaux itinérants, parcourant probablement l’ensemble des districts de l’ouest et du centre de la province, et connut « plus de succès » qu’il ne l’avait prévu. À la fin de l’été de 1825, John Rolph*, qui avait son propre cabinet, lui offrit de l’aider à s’établir comme avocat. Baldwin accepta, sans doute pour acquérir de l’expérience, et se retrouva plongé dans les dossiers de Rolph. Au cours d’un procès instruit par le juge William Campbell*, Rolph, assisté de Baldwin, se trouva face à James Buchanan Macaulay. Sans prévenir, Rolph demanda à son assistant de s’adresser au jury. Baldwin hésita, mais finit par se lever. « Jamais je ne m’étais trouvé dans une situation plus éprouvante », écrivit-il à Elizabeth ; il ne parvenait à penser qu’à « ce qui [était] survenu entre [eux] » une nuit, sept mois plus tôt. Puis il parla, avec une assurance de plus en plus grande. Macaulay lui fit des éloges dans le résumé de son exposé : « ce fut un moment de grand bonheur », dit-il à sa cousine. Ensuite Baldwin plaida lors d’un procès capital et il obtint un acquittement. À la fin de 1825, il termina sa première tournée des assises. Ses amis le regardaient avec considération et estimaient, confiait-il à Elizabeth, qu’une de ses plaidoiries « laiss[ait] entrevoir qu’un jour il n’occuperait pas une place tout à fait obscure dans [la] profession ». « J’ai horreur de ne pas m’élever au-dessus de la médiocrité », ajoutait-il. Pourtant, Baldwin « tremblait] d’angoisse » car, écrivait-il : « si je ne commandais pas le respect de mes collègues, jamais je ne serais digne de vous, jamais je ne pourrais vous rendre heureuse ». Cette brève expérience professionnelle avait permis au jeune avocat de se livrer à une introspection plus poussée. Elle avait notamment mis en lumière son obsession d’avoir toujours raison, avec toutes les conséquences que cela comportait pour lui : l’angoisse et l’indétermination. En mai 1826, il écrivait à Elizabeth : « Quiconque agit en se fiant uniquement à son jugement craint toujours d’être dans l’erreur [...] non pas que j’admire l’indécision, au contraire je l’abhorre. Je sais cependant que c’est un de mes défauts et il déteint plus ou moins sur tout ce que je fais. »

Au terme d’une année sans Elizabeth, Baldwin était heureux de ses progrès professionnels. Un ancien juge en chef, William Dummer Powell*, figurait au nombre de ses clients. En mai 1826, John Strachan, sur le point de partir pour l’Angleterre, vint lui demander s’il souhaitait se faire inscrire à la Lincoln’s Inn, une des quatre écoles de droit de la métropole. Baldwin répondit par la négative. Le projet d’avenir du célibataire avait été vaincu par l’amour. Enfin Elizabeth revint et, en présence de quelques amis intimes et de nombreux parents, le mariage fut célébré le 31 mai 1826. Si l’on se fie à leur correspondance, leur union fut extrêmement heureuse. Quant au cabinet d’avocat, il prospérait. Baldwin collaborait souvent avec son père et avec son beau-frère Robert Baldwin Sullivan ; à compter de 1831, il se remit à travailler fréquemment avec Rolph. Pourtant, le ciel n’était pas sans nuages. La santé de Baldwin demeurait chancelante, et, pendant sa première grossesse, Elizabeth fut constamment malade. Toujours aux petits soins avec elle, Baldwin lui rappelait : « la Providence a voulu que peu de ces maux dont votre sexe est affligé pendant cette période présentent un danger – néanmoins ils sont bien ennuyeux et requièrent les soins et la tendresse d’un époux ».

Elizabeth eut sur Baldwin une influence durable. Âgée de 15 ans seulement au début de leurs fréquentations, elle mourut avant d’en avoir 26. Même si elle était de bonne famille et avait reçu une éducation conforme à son rang, ses premières lettres sont quelque peu puériles, mais les suivantes révèlent une plus grande maturité. Baldwin n’était pas attiré par son apparence, qui était sans éclat, mais par sa personnalité et ses opinions, qui sont peu connues. Pourtant, seule une femme exceptionnelle pouvait répondre à ses attentes. Ils lisaient la Bible ensemble, son scepticisme faisant place à une foi inébranlable. Il en vint à croire que le corps n’était qu’un bien transitoire et que l’éternité était l’horizon du chrétien. Il voulait ne « jamais être séparé » d’Elizabeth, même après la mort. La peur de mourir l’avait quitté car, disait-il, « seule la culpabilité doit faire craindre l’au-delà ».

De 1825 à 1828, les critiques de l’opposition, dont William Warren Baldwin et Rolph, s’en étaient pris de plus en plus vivement au gouvernement de sir Peregrine Maitland. La crise atteignit un sommet en 1828 et, lié personnellement et professionnellement à ses deux principaux acteurs, Robert Baldwin fut attiré dans la mêlée. Le 17 juin, John Walpole Willis*, juge de la Cour du banc du roi, émit en cour l’avis que ce tribunal était de constitution illégale. Le lieutenant-gouverneur et le Conseil exécutif le démirent de ses fonctions le 26 juin ; déjà, les Baldwin s’étaient engagés dans une protestation collective contre la légalité du tribunal et refusaient d’y plaider. Cette affaire les poussa à lancer, sans doute avec le concours de Rolph et de Marshall Spring Bidwell*, la première campagne populaire de l’histoire de la province en faveur du gouvernement responsable.

Avec les élections générales, l’imbroglio prit un tour politique, surtout dans York et les environs. Poussé par « cette crise importante et alarmante » à accepter une mise en nomination, Baldwin se présenta dans la circonscription d’York. À la fin de juillet, Jesse Ketchum* et William Lyon Mackenzie* y remportaient la victoire, tandis que Baldwin se classait dernier de quatre candidats. Les élections ne contribuèrent nullement à apaiser les protestations soulevées par l’affaire Willis. Le 15 août se tint une assemblée au cours de laquelle fut adoptée une pétition contenant un plaidoyer en faveur du gouvernement responsable ; les Baldwin y jouèrent un rôle de premier plan, et Robert présenta les résolutions clés. Au vu de « l’incompétence des administrateurs de la province », disait-il, il était temps de s’occuper de la politique coloniale. De son côté, Maitland défendit son gouvernement dans une dépêche adressée à Londres ; il y parlait des Baldwin comme des seuls gentlemen associés à l’opposition.

Le 13 novembre, Robert Baldwin fut nommé au comité qui devait préparer une adresse au nouveau lieutenant-gouverneur, sir John Colborne*. Durant l’automne et l’hiver de 1828–1829, il participa à des assemblées et siégea dans des comités organisés pour protester contre la révocation de Willis, présenter d’autres griefs et demander instamment l’attention du Parlement. Lors d’une élection partielle tenue en décembre 1829 en raison de la démission du député de la ville d’York, John Beverley Robinson*, qui venait d’être nommé juge en chef, Baldwin défit James Edward Small*. Dans son discours de victoire, il se déclara « whig d’allégeance et opposé au gouvernement en place ». Mais, comme le décret de convocation des électeurs n’avait pas été délivré dans les règles, Baldwin dut briguer de nouveau les suffrages et il eut cette fois comme adversaire William Botsford Jarvis*. Il remporta encore la victoire et, le 30 janvier 1830, fit son entrée à l’Assemblée.

Baldwin participa assidûment aux travaux de la chambre mais n’y fit pas figure de leader. Il présida plusieurs comités et témoigna devant d’autres, dont un sur le numéraire, présidé par Mackenzie. Actionnaire de la Bank of Upper Canada, il en critiqua le conseil d’administration, acoquiné selon lui avec l’exécutif provincial. En juin suivant, il dirigea un groupe d’actionnaires qui tentaient de faire élire un indépendant au conseil de la banque. Mis lui-même en nomination, il fut battu par un partisan du gouvernement, Samuel Peters Jarvis. Puis, en juin 1830, la mort de George IV entraîna la dissolution du Parlement et la convocation de nouvelles élections générales. Baldwin fut défait par William Botsford Jarvis et quitta la scène politique. En septembre 1835, Colborne suggéra de nommer les Baldwin au Conseil législatif si le secrétaire d’État jugeait la chose « opportune ». Aucun des deux ne fut nommé.

Robert Baldwin n’aimait pas la politique. Par ailleurs, sa carrière d’avocat et sa famille le préoccupaient. La santé d’Elizabeth déclinait ; ils avaient maintenant des enfants et, dans la maison de la rue Yonge, il fallait régler les problèmes de la vie courante. La naissance de Robert Baldwin fils, le 17 avril 1834, nécessita une intervention chirurgicale et aggrava l’état d’Elizabeth. En mai de l’année suivante, elle se rendit à New York avec son beau-père pour se reposer. Le jour de leur huitième anniversaire de mariage, Baldwin réprima son désir de la rejoindre : « ce serait contraire au devoir et je connais trop bien mon Eliza pour ne pas savoir que jamais elle ne pourrait souhaiter que je le sacrifie à l’inclination ». Elizabeth retourna à la maison mais ne se remit pas. Elle mourut le 11 janvier 1836. Baldwin en fut accablé. Son bonheur avait été bref et s’était terminé presque comme il l’avait prévu. « Je devrai à présent poursuivre seul [...] mon pèlerinage, écrivait-il, et dans le vide qui s’étend devant moi, je ne peux espérer trouver de joie que dans ce que le bonheur de nos chers enfants me rappellera du nôtre et attendre, dans l’humilité, cette heure bénie où, si Dieu le veut, je me trouverai de nouveau, et pour toujours, aux côtés de mon Eliza. »

Ce qui arriva bientôt à Baldwin sur la scène publique prend un sens nouveau à la lumière de ce qu’il avait connu dans sa vie privée. Le nouveau lieutenant-gouverneur, sir Francis Bond Head*, arriva à Toronto le 23 janvier 1836. Dans les groupes de l’opposition, on espérait vivement qu’il tenterait des conciliations et des réformes, comme ses supérieurs le lui avaient prescrit. Le Conseil exécutif, en raison de sa mauvaise administration, était l’une des cibles de l’opposition depuis l’époque de Joseph Willcocks*. En 1828, sa réforme par un gouvernement responsable était devenue la question associée aux Baldwin, père et fils. Jusqu’en 1836, on avait avancé divers moyens de réaliser au mieux cette réforme ; le gouvernement responsable n’était que l’un d’eux. Depuis l’arrivée de Head, l’opposition observait la composition du conseil pour y lire les intentions du lieutenant-gouverneur.

Les trois conseillers exécutifs, Peter Robinson*, George Herchmer Markland* et Joseph Wells, souhaitaient vivement de nouvelles nominations. Head porta d’abord son choix sur Robert Baldwin qui, selon lui, était « hautement respecté pour sa moralité, [était] modéré en politique et [avait] l’estime et la confiance de tous les groupes politiques ». Baldwin signala à Head les obstacles qu’il voyait. D’abord, le conseil ne pouvait continuer de soutenir la couronne s’il n’avait pas la confiance de l’Assemblée ; par conséquent, d’autres nominations devraient être faites. Ensuite, même si, « dans le privé », Baldwin était « tout à fait en bons termes » avec les conseillers présents, il les avait « déjà [...] dénoncés [...] comme indignes, politiquement, de la confiance du pays, de sorte que [... il] estim[ait] ne pas pouvoir siéger avec eux ».

Après avoir consulté son père et Rolph, Baldwin refusa le siège qu’on lui offrait. Puis, lors d’un deuxième entretien, il demanda la nomination de son père, de Marshall Spring Bidwell, de John Henry Dunn et surtout de Rolph au Conseil exécutif. Head consulta Bidwell avant d’offrir encore une fois un siège à Baldwin et établit que, s’il acceptait, Rolph et Dunn seraient nommés. Malgré l’assentiment de son père, de Rolph et de Bidwell, Baldwin refusa parce que Head ne voulait pas démettre de leurs fonctions les conseillers en place. Puis, quand Rolph jugea inconvenant de poursuivre les négociations sans offrir de concession, Baldwin donna « un consentement des plus hésitants » ; lui, Rolph et Dunn entreraient au conseil « simplement à titre d’expérience », sans faire pression pour le départ de Robinson, de Wells et de Markland. Head accepta d’indiquer par écrit à Baldwin qu’ « aucune condition préalable » n’avait été imposée d’aucun côté. Les nouveaux conseillers furent assermentés le 20 février.

Toutefois, Baldwin ne reçut la note de Head qu’après la cérémonie, et elle disait : « J’attends que vous me donniez votre opinion impartiale à propos de toute question sur laquelle je pourrai juger bon de vous consulter. » D’après Baldwin, cette restriction ne se trouvait pas dans une version préliminaire qui lui avait été lue et était inacceptable. Le 3 mars, le Conseil exécutif prépara à l’intention de Head une remontrance courtoise dans laquelle il soutenait que le gouvernement responsable était le seul conforme à la constitution. Elle fut adoptée le lendemain. Dans sa réponse du 5 mars, Head se disait en désaccord avec pareille interprétation de la constitution et rappela aux conseillers qu’ils avaient accepté d’éviter tout sujet d’importance avant de s’être familiarisés avec leurs fonctions. Les six conseillers se réunirent pour étudier la réponse de Head et, le 12, ils démissionnèrent en bloc. L’Assemblée, menée par Peter Perry, réagit avec force, qualifiant l’acte de Head de violation des « principes reconnus de la constitution britannique ». Le 15 avril, elle vota un blocage des crédits. La querelle s’envenima tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du Parlement jusqu’à la dissolution de celui-ci. En démissionnant, le conseil avait allumé un feu à la grandeur du Haut-Canada.

Quel rôle avait réellement joué Baldwin, qui avait été absent de la scène politique pendant plus de cinq ans et se trouvait encore sous le coup de la mort de sa femme ? Émotivement et mentalement épuisé, il avait accepté d’entrer au Conseil exécutif par devoir. Il avait toujours hésité à le faire, de crainte que l’on voie dans son acceptation une compromission de sa part, et il avait démissionné aussitôt qu’il lui était apparu que sa réputation pourrait être entachée. Gentleman, homme intègre, modéré en politique comme en matière religieuse, il était un symbole de ralliement pour les réformistes de diverses tendances, mais il n’avait rien d’un organisateur. Il est aujourd’hui impossible de reconstituer parfaitement les événements qui, du 20 février au 12 mars, aboutirent à la démission du conseil, mais il semble peu probable, comme Head et des historiens l’ont affirmé, que Baldwin en ait été le principal instigateur et qu’il soit parvenu à rallier Robinson, Markland et Wells. Les manœuvres furent sans aucun doute dirigées par Bidwell, président de l’Assemblée, et par Rolph, qui s’était montré assez persuasif pour faire entrer Baldwin au conseil. Sans ce dernier, Head n’aurait probablement pas accepté les autres. Des années plus tard, la femme de Rolph déclara : « Je sais pertinemment que ce ne fut pas M. Baldwin qui rédigea la remontrance [du 3 mars] à sir F. B. Head au sujet du gouvernement responsable. » Selon elle, c’était son mari qui l’avait fait.

Après la démission du conseil, Baldwin disparut vite de la scène. Le 30 avril 1836, il partit pour l’Angleterre, nanti de lettres d’introduction de Strachan. Il tenta sans succès de demander réparation au ministère des Colonies, puis se rendit en Irlande. En Angleterre, il avait fait surtout du tourisme, à Windsor, à Richmond et à Hampton Court. En Irlande, il entreprit des recherches sur ses ancêtres – Il se sentait bien dans « le cher pays de [ses] parents et de [son] Eliza » et déclarait : « si mon séjour me fait plus mauvais philosophe, je serai satisfait s’il me fait meilleur Irlandais ». Le 10 février 1837, il rentra au pays. Encore une fois, il demeura à l’écart des cercles politiques. Comme Mackenzie le confirma des année plus tard, il ne soupçonnait pas l’imminence de la rébellion. Toutefois, il demeurait un personnage important, et Head lui demanda de se rendre avec un drapeau parlementaire auprès des insurgés le 5 décembre. Par la suite, il défendit plusieurs rebelles lors de leur procès, dont Thomas David Morrison. En mars 1838, sir George Arthur succéda à Head ; deux mois plus tard, le comte de Durham [Lambton*] devint gouverneur en chef. Dans le courant de l’année, les Baldwin eurent un bref entretien avec lui et, plus tard, ils lui soumirent des commentaires détaillés, surtout sur le gouvernement responsable. Même si Durham démissionna et si son rapport, paru au début de 1839, n’avait pas un caractère officiel, ses prises de position en faveur du gouvernement responsable et de l’union eurent un effet considérable dans les Canadas. La certitude que l’union serait réalisée, tout comme l’importance qu’on attachait à la modification du Conseil exécutif, garantissait que Baldwin aurait encore un grand rôle à jouer. De plus, il était toujours reconnu pour son intégrité. Francis Hincks*, son voisin, son ami intime et son banquier, était devenu le grand stratège des réformistes haut-canadiens et voyait combien il était nécessaire que Baldwin soit à leur tête et qu’on s’assure de la collaboration des réformistes du Bas-Canada.

L’architecte de l’union fut le gouverneur en chef Charles Edward Poulett Thomson*, plus tard lord Sydenham. Dans la fameuse dépêche qu’il lui avait adressée le 10 octobre 1839, le secrétaire d’État aux Colonies, lord John Russell, avait souligné l’importance d’une relation nouvelle et pragmatique entre le gouverneur et le Conseil exécutif. Cette dépêche eut un tel effet que William Warren Baldwin crut d’abord que le gouvernement responsable allait être institué. Or, Russell avait seulement pressé le gouverneur de viser la conciliation et l’harmonie dans ses relations avec l’Assemblée. Pour ce faire, il fallait avant tout reconstituer le Conseil exécutif. Thomson, convaincu que Robert Baldwin serait un homme précieux dans le contexte de réalignement politique qui s’amorçait dans les Canadas, lui demanda de siéger au nouveau conseil. Tout en manifestant encore une hésitation extrême et très peu de confiance envers les autres conseillers, Baldwin accepta, en février 1840, le poste de solliciteur général, sans faire partie du conseil cependant.

L’Union fut proclamée en février 1841 et, en même temps, Baldwin entra au Conseil exécutif. Il se trouvait devant un dilemme : les réformistes n’estimaient pas tous qu’il devait demeurer solliciteur général et lui-même était ambivalent. Au cours du mois, il ramena la question de la responsabilité ministérielle sur le tapis en faisant valoir à Sydenham son « manque total de confiance » en la plupart des conseillers. Pourtant, il battit en retraite lorsqu’il se trouva devant Sydenham et il accepta sa vague adhésion aux principes flous de la dépêche de Russell. L’incident confirma Sydenham dans l’opinion que Baldwin était « vraiment un imbécile », comme il l’écrivit à Arthur. Aux élections générales de mars 1841, Sydenham conserva le haut du pavé. Les réformistes du Bas-Canada raflèrent près de la moitié des sièges qui leur étaient dévolus mais, dans le Haut-Canada, des partisans du gouvernement l’emportèrent par des manœuvres de corruption et d’intimidation. Seuls six indépendants ou ultra-réformistes, dont Baldwin, furent élus.

Baldwin s’était retiré de la course dans Toronto lorsque la défaite avait semblé certaine, mais il avait été élu dans la circonscription de 4th York et dans celle de Hastings et avait choisi de siéger comme député de cette dernière. La tâche la plus urgente était de ranimer le parti. Voyant les libéraux canadiens-français découragés et divisés sur la question de savoir s’ils devaient collaborer avec le gouvernement de Sydenham, Baldwin reconfirma son engagement. Au moment de prêter les serments rattachés au poste de conseiller exécutif, en mai, il refusa de prêter le serment de suprématie qui, en niant l’autorité de tout prélat étranger au Canada, ne reconnaissait aucun droit au pape et à l’Église catholique. Sydenham, irrité, accepta son geste, mais se plaignit à Russell que jamais il n’avait eu affaire à « un enthousiaste aussi fantasque et intraitable ».

Sydenham et son solliciteur général se rencontrèrent le 10 juin. Baldwin exigea la nomination de quatre Canadiens français au cabinet et prévint que, advenant une motion de confiance, il devrait s’opposer au gouvernement. Pour Sydenham, c’en était trop. On considère généralement que Baldwin lui présenta sa démission, mais en réalité il ne fit, au cours de la conversation, qu’une menace voilée. Sydenham la saisit au vol : le 13 juin, il accepta par écrit la démission que Baldwin ne lui avait pas offerte. Cette manœuvre, Sydenham en était convaincu, mettrait un terme à la carrière de Baldwin. Pendant quelques semaines, comme il l’écrivit à son père, Baldwin traîna le sentiment de n’être « pas du tout fait » pour la politique. Mais, fermement appuyé par sa famille, il décida de continuer à se battre pour la reconnaissance de ses principes.

Pourtant, il y avait beaucoup de vrai dans l’analyse de Baldwin. Il n’était pas un politicien né. Médiocre orateur, il s’adressait moins souvent au Parlement que d’autres porte-parole et n’avait même pas l’allure d’un chef. Bien que d’une taille au-dessus de la moyenne, il avait le corps massif et le dos très voûté, ce qui le faisait paraître plus petit. Son teint hâve et ses yeux inexpressifs lui donnaient un air funèbre. C’était sa personnalité qui le distinguait. Baldwin ne faisait pas que professer les idéaux de son époque, il les mettait en pratique : c’était un gentleman plein de courage moral, tout à fait sincère dans sa volonté de sacrifier ses intérêts à ceux des institutions qu’il vénérait – la constitution, le droit, l’Église, la propriété, la famille. Ses opinions politiques étaient essentiellement celles d’un whig : défense du gouvernement représentatif et des droits individuels, adhésion aux valeurs d’une classe de propriétaires terriens et d’une structure sociale enracinées dans la famille et dans les formes traditionnelles d’engagement mutuel. D’autres hommes politiques, tels Robert Baldwin Sullivan et sir Allan Napier MacNab*, parlaient de l’honneur tout en sachant que celui-ci devait parfois céder devant d’autres considérations ; en Baldwin, ils respectaient l’homme pour qui ces autres considérations entraient rarement en ligne de compte. De même, des contemporains aussi différents que Wolfred Nelson* et Malcolm Cameron* reconnaissaient son honnêteté, son intégrité et son désintéressement.

Pour un gentleman, servir était essentiel. En raison de son rang, Baldwin avait la responsabilité de le faire et l’acceptait, même s’il ne se sentait pas à l’aise au sein du gouvernement, s’il tenait énormément à son intimité et si sa vie familiale en était perturbée. Il admettait sans réticence son désir d’exercer le pouvoir, mais il n’aimait pas les moyens qu’il fallait prendre pour l’obtenir et n’était prêt à renier ni ses principes ni son parti pour le gagner.

Quand, le 14 juin 1841, le premier Parlement des Canadas se réunit à Kingston, Baldwin dut affronter un ami : Francis Hincks, en effet, trouvait de plus en plus d’attraits au gouvernement de Sydenham, qui se montrait efficace et pratique. En juillet, son journal, l’Examiner, se déclarait bien disposé envers le cabinet ; en août, Hincks votait avec lui d’importantes mesures ; à Noël, il pressait le parti réformiste de s’unir au gouvernement. Ébloui par les rêves de progrès économique qu’échafaudait le gouvernement de Sydenham, Hincks rejetait l’alliance de Baldwin avec les Canadiens français, « vieux jeu ». Toutefois, durant toute la session, Baldwin s’opposa aux programmes d’expansion économique de Sydenham et de Hincks. Avec les Canadiens français, il bloqua le projet d’une « banque d’émission » qui aurait fourni du papier-monnaie solide au Canada et s’opposa même, sans succès, à ce que la Grande-Bretagne garantisse, pour la construction de canaux, l’emprunt de £1 500 000 qui avait tant attiré le Haut-Canada dans l’Union.

En Baldwin se mariaient la passion des Britanniques pour la liberté et, envers le Canada français, un souci de justice qu’il exprimait avec insistance, au risque de voir sa popularité décroître dans le Haut-Canada. Il en donna la manifestation la plus réaliste en faisant élire dans la circonscription de 4th York le chef des réformistes du Bas-Canada, Louis-Hippolyte La Fontaine*, et la moins réaliste en posant le biculturalisme comme un absolu. En août, à l’encontre du courant de l’opinion, il s’opposa à un projet de loi visant à doter le Haut-Canada de conseils municipaux, parce que le texte ne prévoyait pas la création d’organismes semblables dans le Bas-Canada. Il reste que la contribution de Baldwin à la coopération entre francophones et anglophones fut l’un de ses legs les plus importants à la politique canadienne. Faits caractéristiques, ses quatre enfants fréquentèrent des écoles francophones du Bas-Canada et lui-même était très embarrassé d’être unilingue.

La question du gouvernement responsable, préoccupation première de Baldwin, fut soulevée plusieurs fois à l’Assemblée législative pendant la session et, le 3 septembre 1841, elle suscita de sa part l’intervention qui, depuis, a donné lieu à bien des mythes. Selon la version couramment admise, Baldwin aurait présenté des résolutions visant à pousser l’Assemblée et le cabinet à définir leur position sur le principe de la responsabilité de l’exécutif, et Samuel Bealey Harrison*, au nom du cabinet, aurait répliqué avec ses propres résolutions qui devaient incorporer une bonne partie du texte de Baldwin pour obtenir la majorité. En réalité, les événements furent plus confus et les idées de Baldwin ne remportèrent pas un tel triomphe. Il avait préparé des résolutions, tout comme le cabinet. On lui avait montré la version ministérielle et, en signe d’harmonie, il avait accepté – c’était du moins ce qu’avait cru le cabinet – de la présenter lui-même. Par suite d’un malentendu ou par, excès de zèle, cependant, il rompit l’entente. À la chambre, il accepta le but visé par les résolutions de Harrison, mais insista pour présenter aussi les siennes, convaincu que seule sa formulation était tout à fait acceptable. Finalement, sa version fut battue et celle de Harrison adoptée ; lui-même vota pour les résolutions ministérielles afin de contrer une opposition à prédominance tory. Baldwin avait tenté d’établir de façon indiscutable le fonctionnement de la responsabilité, particulièrement en insistant sur le droit de l’Assemblée de tenir les conseillers exécutifs responsables des actions du gouvernement. Le texte de Harrison, soigneusement ambigu, l’avait emporté sur sa formulation précise. Cela n’avait probablement pas d’importance. Dans les années suivantes, les réformistes brandiraient comme une autorité les résolutions de Harrison, et les subtilités de langage seraient noyées dans les débats politiques.

Pour l’instant, Sydenham semblait avoir encore une fois freiné les revendications constitutionnelles. La digue se rompit toutefois à sa mort, le 19 septembre. Son prétendu régime d’harmonie, fondé sur son habileté politique et sa nature impitoyable, prit fin avec lui. Mais le joug de Sydenham avait beau être levé, Baldwin ne pouvait pas tirer parti de la situation : l’écart qui le séparait de Hincks et des réformistes préoccupés d’efficacité économique, dont celui-ci était le représentant, faisait toujours les manchettes. Pourtant, malgré des attaques publiées dans l’Examiner, Baldwin ne rompit pas avec Hincks, allant même jusqu’à le défendre en mai 1842 lors d’un procès pour diffamation intenté par Archibald McNab. Une fois Sydenham disparu, les réformistes commencèrent à resserrer les rangs. Au début de l’été, même les tories écoutaient Baldwin, qui proposait une alliance temporaire pour battre le gouvernement.

Le nouveau gouverneur, sir Charles Bagot*, n’avait ni la poigne de Sydenham, ni son goût pour la manière forte. Malgré la nomination de Hincks au poste d’inspecteur général des comptes publics, le 9 juin, le gouvernement était toujours en perte de vitesse. En juillet, Harrison et le procureur général William Henry Draper* avisèrent Bagot que le cabinet ne pourrait pas survivre : il fallait y faire entrer les leaders des Canadiens français, ce qui signifiait aussi Baldwin. Draper, qui tenait Baldwin pour un traître à cause de sa démission de l’année précédente, était néanmoins prêt à lui faire une place. En septembre, quand l’Assemblée se réunit et qu’il parut évident que les réformistes détenaient la majorité, Bagot dut passer outre aux instructions de Londres – qui lui indiquaient de tenir Baldwin et les Canadiens français à l’écart – et faire appel à La Fontaine. Les pourparlers faillirent prendre fin lorsque le gouverneur refusa Baldwin, mais il finit par plier. Le 16 septembre, La Fontaine accepta d’entrer au cabinet avec Baldwin.

Même si, tout comme Baldwin, Bagot allait célébrer le triomphe du gouvernement responsable par ce qu’il appelait son « importante mesure », le résultat était loin d’être aussi remarquable. Cinq réformistes vinrent se joindre à six anciens ministres, mais il n’y avait eu au préalable ni entente sur les lignes à suivre, ni engagement de solidarité ministérielle. En fait, si les 11 travaillèrent ensemble comme les membres d’un cabinet et si Hincks se refit une place solide d’homme de parti, cela vint davantage des personnalités en cause et des nécessités politiques que d’un accord de principe. En octobre, Bagot prorogea le Parlement. Forcé de se présenter aux élections avec les autres nouveaux ministres en raison de leur nomination, Baldwin fut défait dans la circonscription de Hastings et dans celle de 2nd York par des groupes orangistes. Aussi accepta-t-il avec reconnaissance un siège dans le Bas-Canada. Le 30 janvier 1843, il fut élu sans concurrent dans Rimouski, créant ainsi un nouveau lien entre l’Est et l’Ouest.

Pendant son premier mandat de procureur général du Canada-Ouest (septembre 1842-novembre 1843), Baldwin fit voir ses forces et ses faiblesses. Il était libéral en ceci qu’il se montrait indulgent envers tous, sauf les criminels les plus endurcis, et qu’il prenait parti pour les droits individuels contre l’exercice arbitraire du pouvoir policier et judiciaire. Par ailleurs, il n’était pas aussi efficace dans l’aspect administratif et politique de ses fonctions que dans leur aspect juridique. Ses critiques lui reprochaient de récompenser les membres de son parti par des nominations ; ses partisans, de laisser trop de tories en place. Faisant face jusqu’au sein du cabinet à des querelles au sujet des nominations, il trouvait que le favoritisme était « le plus douloureux et le plus désagréable » aspect de la vie politique.

Pour Baldwin, l’amitié était précieuse, mais il avait du mal à faire le nécessaire pour l’entretenir. Ses amis, dont La Fontaine, évoquaient son caractère évasif et son habitude de ne pas répondre aux lettres. La plupart de ses contemporains attribuaient ses bizarreries à sa « réserve » ou à la somme de son travail. Mais, dès 1843, il manifestait les symptômes d’une grave dépression qui empirerait avec les ans. À compter de son deuxième mandat de procureur général, qui débuta en 1848, son état l’empêcherait pendant de longues périodes d’exercer ses fonctions, et notamment de représenter la couronne aux assises. Il prétendait que l’urgence des affaires politiques le retenait à Montréal. Pourtant, pendant les six premières semaines du mandat du nouveau gouvernement, il manqua une dizaine de réunions du Conseil exécutif. Au cours des trois dernières années du gouvernement (1849–1851), il connut des difficultés semblables dans son travail et s’absenta de nouveau du conseil. En 1850, il s’enferma chez lui du début de janvier à la mi-mars. En dehors des membres de sa famille, il semble que seuls La Fontaine et James Leslie*, secrétaire de la province, lui rendaient visite. Le premier était frappé des fluctuations de l’état de Baldwin et surtout des maux de tête qui le torturaient d’année en année.

Au moment de la révolte des clear grits, aile radicale du parti, en 1850 [V. Peter Perry], l’incapacité croissante de Baldwin affaiblit encore davantage le gouvernement. Un de ses amis, l’organisateur du parti William Buell*, lui écrivit en juin que l’on avait de moins en moins confiance en lui ; ses critiques, rapportait Buell, le voyaient comme « un homme fini », privé de toute force. C’était là une opinion que Baldwin lui-même encourageait. Son besoin d’isolement se manifestait dans son désir fréquent de démissionner.

Depuis que sa femme était morte, en 1836, l’obsession de Baldwin s’était transformée en un culte pour Elizabeth qui lui semblait plus réelle que les vivants. Les anniversaires de sa mort et de leur mariage étaient des rites annuels. Le père de Baldwin mourut le 8 janvier 1844 ; accablé de chagrin, Baldwin envisagea de quitter la politique. Pour ce fils introspectif qui se voyait tenu de réaliser le projet de son père – la conquête du gouvernement responsable – sans avoir sa personnalité éclatante, l’héritage était lourd. Mais l’épreuve raffermit son sens de la famille, qui était déjà aigu, et le sentiment de ses devoirs envers elle. Malheureusement, Baldwin avait plus de facilité à remplir ces devoirs qu’à montrer l’affection qui les lui imposait. Selon sa petite-fille, Mary-Jane Ross, Baldwin était la seule source d’affection que ses enfants connaissaient, et pourtant ils avaient pour lui plus de vénération que d’amour, pour eux, il était un « professeur ». Le milieu politique, où il se montrait si réservé et maître de lui, ne l’aurait pas reconnu en cet homme qui ne savait tourner la page ni sur ses chagrins ni sur ses amours. On mesure la force de son caractère lorsque l’on songe au temps pendant lequel il remplit, et avec compétence, son rôle politique, tout en portant le fardeau qui pesait sur son esprit. La réputation qu’il avait acquise par sa détermination à obtenir le gouvernement responsable ne doit pas faire oublier, néanmoins, sa tendance à abdiquer. Son sens du devoir et la mission qu’il tenait de son père l’empêchèrent de se retirer tout à fait, mais chaque année, pendant quelques mois, la dépression le poussait à s’isoler.

Baldwin demeurait tout de même une figure dominante au Parlement. Après que Bagot fut tombé malade, en novembre 1842, Baldwin et La Fontaine eurent le champ libre ; en fait, pour la première fois, la province avait en eux de vrais premiers ministres. En mars 1843 arriva le nouveau gouverneur, sir Charles Theophilus Metcalfe*, porteur d’instructions qui lui indiquaient de mater le gouvernement « radical ». Il s’attendait à un affrontement, convaincu que seuls les tories étaient loyaux. Pour lui, Baldwin était un fanatique, un intolérant et, curieusement, un homme qui aimait les conflits. Or Baldwin se montra conciliant. Il permit à Metcalfe une plus grande participation aux travaux du cabinet et de l’administration que celle que Bagot n’avait jamais réclamée et pressa les réformistes d’éviter de critiquer le gouverneur. Baldwin soupçonnait si peu les motifs de Metcalfe qu’il ne mit pas de l’avant le programme du gouvernement avant que le gouverneur n’ait réussi à mobiliser l’opposition contre lui.

En mai, Baldwin persuada Metcalfe de lever les sanctions dirigées contre son vieil ami et chef, Marshall Spring Bidwell. Il fut déçu que celui-ci ne choisisse pas de revenir au Canada. La Grande-Bretagne était peu disposée à accorder une amnistie générale à ceux qui avaient été mêlés aux rébellions, mais Metcalfe avait l’autorisation de gracier les exilés individuellement. Poussé par La Fontaine et d’autres ministres bas-canadiens qui menaçaient de démissionner, il accorda l’amnistie à Louis-Joseph Papineau*. Baldwin, par contre, qui nourrissait de vieilles rancœurs, ne fit aucune intervention directe en faveur de William Lyon Mackenzie.

Le 28 septembre 1843, les réformistes entreprirent une session qui serait, sous bien des rapports, un triomphe. Hincks et Baldwin préparèrent ensemble des lois qui affermissaient la base financière des écoles haut-canadiennes et qui allouaient des crédits à des écoles séparées pour les minorités religieuses. L’Assemblée adopta une motion dans laquelle elle exigeait un droit de regard sur la liste civile. Et, malgré l’opposition de quelques réformistes haut-canadiens, le cabinet fit des démarches pour transférer la capitale de Kingston à Montréal. Baldwin, bien qu’il ait été propriétaire terrien, appuya vigoureusement le projet de loi de Hincks sur la taxation des terres en friche ; il rédigea aussi un projet de loi sur la création d’une université non confessionnelle, celle de Toronto. Les deux projets moururent à la démission du gouvernement, en novembre.

Par ailleurs, les choses allaient de moins en moins bien avec Metcalfe. Baldwin avait tenté de contrer la violence de l’ordre d’Orange en suivant la méthode employée en Grande-Bretagne : une adresse dans laquelle le Parlement demandait à la couronne d’agir contre l’orangisme. Metcalfe, lui, insistait pour que l’Assemblée légifère. Après un âpre débat, celle-ci adopta des lois qui restreignaient les défilés partisans et bannissaient les sociétés secrètes. La famille de Baldwin en subit les conséquences : devant sa maison de Toronto, une meute d’orangistes brûla Baldwin et Hincks en effigie dans la nuit du 8 novembre. Cependant, Metcalfe réserva à la sanction royale la loi sur les sociétés secrètes qu’il avait demandé expressément à Baldwin de présenter. Elle disparut dans les dossiers du ministère des Colonies et fut annulée en mars 1844.

Le gouvernement aurait pu démissionner à cause du geste de Metcalfe, mais ce fut le favoritisme qui précipita la crise. Selon les instructions qu’il avait reçues de Londres, Metcalfe devait avoir la haute main sur les nominations mais, en les faisant sans consulter ses ministres, il tournait le gouvernement responsable en ridicule et lui forçait la main. Après un entretien houleux avec Metcalfe, Baldwin et La Fontaine rencontrèrent les conseillers exécutifs qui tous, sauf Dominick Daly*, démissionnèrent le 26 novembre 1843. Le 29 eut lieu au Parlement un débat orageux dont l’un des moments forts fut l’intervention lucide de Baldwin en faveur du cabinet et du gouvernement responsable. La chambre fut ajournée trois jours plus tard.

Pour Baldwin, cette démission était clairement motivée par une question de principe et elle était nécessaire pour résoudre le problème constitutionnel. Quant à La Fontaine, il s’attendait qu’elle entraînerait le rappel de Metcalfe et le retour du cabinet. L’année suivante, Hincks aurait déclaré : « nous ne croyions pas que notre démission serait acceptée ». Hincks et La Fontaine, semble-t-il donc, espéraient utiliser la menace de démission pour s’assurer la haute main sur un gouverneur récalcitrant. La campagne électorale de septembre 1844 se déroula mal pour Baldwin. Metcalfe en appelait vigoureusement à la loyauté envers la couronne : tandis que les réformistes du Bas-Canada obtenaient une majorité, Baldwin était élu avec seulement 11 de ses partisans dans le Haut-Canada. Même Hincks fut défait dans Oxford.

Baldwin se releva vite de la défaite et fut, pendant la session de 1844–1845, plus brillant qu’il ne l’avait jamais été. Les débats, quel qu’en ait été le sujet, étaient pour lui autant d’occasions de discourir sur le gouvernement responsable. Son autre thème majeur était le nationalisme. Le droit de regard sur la liste civile n’était qu’en partie une question constitutionnelle ; l’exiger, c’était exiger que les Canadiens tiennent les rênes du pouvoir chez eux. En mars 1846, au cours d’un débat sur la milice, Baldwin affirma que celle-ci était capable de défendre la province sans l’aide de la Grande-Bretagne : « Nous ne voulons pas de baïonnettes étrangères ici. » Il aimait la mère patrie, déclarait-il, mais davantage encore la terre sur laquelle il vivait.

Le gouvernement tory de William Henry Draper et de Denis-Benjamin Viger* se révéla faible, surtout après que Metcalfe, agonisant, eut été remplacé par un homme plus neutre, le lieutenant général Charles Murray Cathcart, arrivé à titre d’administrateur en novembre 1845 et devenu gouverneur en avril suivant. Mais les réformistes ne formaient qu’un groupe chancelant. Bien des Canadiens français se montraient sensibles aux avances des tories. En 1845, comme La Fontaine lui-même oscillait, Baldwin ne put guère que rappeler à ses collègues les prises de position passées des tories sur les droits des Canadiens français. Finalement, aucune négociation n’aboutit et le parti réformiste demeura intact.

Baldwin se déchargea d’une part de ses responsabilités personnelles pour se concentrer sur la politique. En 1845, il engagea un parent, Lawrence Heyden, pour gérer les importants biens familiaux. Ce fut un geste avisé car Baldwin avait du mal à résister à ceux qui voulaient lui emprunter de l’argent et pouvait se montrer d’une tolérance extrême envers certains débiteurs. Il abandonna son travail d’avocat en 1848, laissant à son associé, Adam Wilson*, le soin de s’occuper de la plupart des affaires de leur cabinet. Celui-ci se trouvait en difficulté à cause de leur autre associé, Robert Baldwin Sullivan, homme aimable et brillant mais buveur et irresponsable.

L’horizon des réformistes s’était beaucoup éclairci après l’arrivée du gouverneur lord Elgin [Bruce*], en janvier 1847. Les instructions qu’il avait reçues souscrivaient à la responsabilité ministérielle et lui prescrivaient une stricte neutralité. Au cours de la session de 1847, le faible cabinet tory évita de présenter des projets de loi controversés et Baldwin eut plutôt de graves différends avec ses propres alliés. C’est lui qui mena avec succès l’opposition au projet de loi de William Hamilton Merritt*, qui aurait permis de former des sociétés en nom collectif à responsabilité limitée, en mettant de l’avant « le vieux principe selon lequel les hommes étaient obligés en conscience et devaient être obligés par la loi à payer toutes leurs dettes ». D’autre part, il lutta contre les modernistes des deux partis qui tentaient de réduire les droits des femmes sur le douaire. Selon un projet de loi présenté par le solliciteur général, John Hillyard Cameron*, les maris auraient pu disposer de biens sans le consentement de leur femme. Baldwin fit valoir que ce projet de loi visait « principalement à léser la femme et à la priver des droits insignifiants qu’elle possédait déjà ». Il souleva la chambre contre le projet et le fit battre. Son principal mobile, cependant, était la défense des droits de propriété ainsi que de l’économie traditionnelle qui, sous la poussée des sociétés commerciales, des compagnies minières et des chemins de fer, était en train d’être bouleversée. Sur des questions comme le douaire, discutées en 1847, il tentait de prévenir ce qu’il appelait, dans les débats sur la primogéniture, « le mal de la subdivision des biens ». Il ne favorisait pas l’extension des droits des femmes et, en 1849, son gouvernement élimina le droit de vote, à peu près inutilisé, des femmes qui, dans le Haut-Canada, satisfaisaient au cens électoral.

À la prorogation du Parlement, le 28 juillet 1847, tout semblait annoncer des élections. Baldwin choisit avec soin les sujets qu’il aborderait durant la campagne. La question universitaire, source de passions dans le Haut-Canada, fut maintenue à l’avant-scène par un comité dont les membres, répartis à travers la province, étaient favorables au projet de loi que Baldwin avait présenté sur l’université en 1843. Pour assurer sa réélection, Baldwin dut se rendre dans York North, auparavant 4th York, où sa campagne, comme en 1844, était dirigée par le chef des Enfants de la paix, David Willson*. Son adversaire était le rédacteur en chef du British Colonist, Hugh Scobie, dont la campagne injurieuse – était menée par le tory William Henry Boulton*. La tournée de Baldwin s’avéra une réussite et il gagna les élections, qui se terminèrent en janvier 1848. Ses partisans remportèrent 23 des 42 sièges du Haut-Canada, tandis que dans le Bas-Canada leurs alliés en remportaient 33 sur 42. C’était une majorité écrasante, et Baldwin se demandait avec inquiétude si les élus pourraient demeurer unis et si les réformistes qui espéraient des changements immédiats et radicaux pourraient être satisfaits. En février, il prévint son lieutenant dans l’est du Haut-Canada, John Sandfield Macdonald*, que si les membres du parti insistaient pour obtenir des réformes profondes avant une bonne réorganisation du gouvernement, ils devraient se trouver un autre leader et erreraient dans le désert jusqu’à ce qu’ils aient acquis « plus d’esprit pratique ». C’était un pronostic sombre en ce moment de victoire, caractéristique de son tempérament dépressif, mais aussi une vision très juste des problèmes qui assailleraient le gouvernement réformiste.

Quand la chambre se réunit, le 25 février, les tories se cramponnèrent au pouvoir. Baldwin proposa un amendement à la réponse au discours du trône qui équivalait à une motion de défiance envers le gouvernement. L’amendement fut adopté le 3 mars à 54 voix contre 20. Le cabinet démissionna le lendemain. Elgin fit appel à La Fontaine le 10 mars ; Baldwin et les autres ministres prêtèrent serment le 11. Ils tinrent leur première réunion le 14. En négociant la composition du cabinet avec les deux chefs, Elgin avait noté que Baldwin semblait « désireux de céder la première place » à La Fontaine.

Baldwin commença par tenir une brève session consacrée aux affaires courantes. Du point de vue administratif, c’était une stratégie judicieuse, puisqu’elle permettait aux nouveaux ministres de connaître leur ministère et, après quatre ans de gouvernement faible, d’y mettre de l’ordre. Du point de vue politique toutefois, c’était une erreur de décevoir les fidèles du parti, d’autant plus que nombre d’entre eux désapprouveraient la composition du cabinet. Robert Baldwin Sullivan et René-Édouard Caron*, traîtres aux yeux de bien des réformistes, y furent nommés. De plus, 4 des 11 ministres n’eurent pas à obtenir un siège à l’Assemblée, échappant ainsi à la surveillance de la chambre, ce qui était une curieuse situation pour le premier gouvernement responsable. Un seul membre du cabinet, Malcolm Cameron, venait de l’aile radicale, et on avait créé pour lui un poste sans fonctions apparentes, celui de commissaire adjoint aux Travaux publics. Bref, Baldwin avait peu fait pour répondre aux attentes du parti et il était bien près de s’être aliéné les radicaux.

Le nouveau gouvernement, qui en vint à être connu sous le nom de « grand ministère », commençait son mandat dans une conjoncture peu favorable. La dépression économique s’éternisait, les comptes publics étaient déficitaires. Hincks était de nouveau inspecteur général mais, en dépit de promesses de comprimer les dépenses, le déficit connut une hausse dramatique pendant la première année du gouvernement. Aux prises avec les réalités politiques, les réformistes firent passer les dépenses publiques de £474 000 en 1848 à £635 000 en 1851. La même année, grâce à la reprise économique soudaine de 1850 qui entraîna une augmentation des recettes douanières, le budget provincial se solda par un excédent de £207 000. Mais cet excédent ne satisfaisait pas de nombreux réformistes qui, pour des raisons idéologiques, prônaient vigoureusement la réduction des dépenses et des fonctions du gouvernement. Le ministère La Fontaine-Baldwin était harcelé en chambre par les députés d’arrière-banc qui se révoltaient contre les dépenses ; de leur côté, les propres partisans de Baldwin le prévenaient qu’accroître la taille de l’État c’était risquer de briser le parti et, comme le disait avec inquiétude un réformiste, Daniel Eugene McIntyre, de créer « un fameux désordre ».

L’éthique de Hincks était souvent mise en doute ; ses compétences financières, jamais. En Angleterre, en 1849, il persuada de grandes sociétés financières de soutenir les débentures et les projets de chemins de fer de la province. Cela permit à Baldwin et au gouvernement d’aller de l’avant dans leurs réformes. Pour le reste, Baldwin, qui ne comprenait guère les questions économiques, s’intéressait peu aux subtilités des négociations financières de Hincks. Les grands projets financiers et les programmes de compression des dépenses élaborés par William Hamilton Merritt, qui entra au cabinet le 15 septembre 1848, ne soulevaient pas non plus son enthousiasme. Toutefois, une question économique était de nature à rallier tous les réformistes : la réciprocité tarifaire entre le Canada et les États-Unis. Certains libéraux réagissaient au libre-échangisme britannique en devenant des partisans forcenés du libre-échange tandis que d’autres, notamment Robert Baldwin Sullivan, pressaient le Canada de se donner une politique protectionniste. Mais tous pouvaient s’entendre sur les avantages d’une libéralisation du commerce avec les États-Unis. Essentiellement pragmatique lorsqu’il était question de tarifs, distant face aux dogmes libre-échangistes, Baldwin pouvait se ranger aux côtés des partisans du laisser-faire quand il s’agissait de réciprocité et de liberté de la navigation. Le 18 mai 1848, le Conseil exécutif avait critiqué la reconduction des lois britanniques sur la navigation, qui permettaient à la colonie de faire du commerce uniquement avec les navires britanniques. En janvier 1849, Baldwin et Hincks proposèrent une adresse destinée à la reine et demandant l’abrogation immédiate de ces lois. L’Assemblée l’adopta à l’unanimité. À la fin de l’année, les lois offensantes n’étaient plus qu’un fait d’histoire.

Le gouvernement La Fontaine-Baldwin tenta de libéraliser les échanges avec les Maritimes en 1849 et 1850, mais il se heurta à la méfiance de la Nouvelle-Écosse. La réciprocité demeurait l’objectif premier. En 1848, Baldwin avait signalé à Elgin qu’il craignait pour la pérennité du lien impérial si les fermiers canadiens continuaient de recevoir moins pour leurs grains que les agriculteurs américains. En guise de solution, il avait proposé une entente : les Américains pourraient naviguer sans restriction sur le Saint-Laurent, en échange de quoi ils laisseraient entrer librement chez eux les produits agricoles du Canada. Sa proposition était judicieuse puisque, en 1854, après sa retraite, une entente de réciprocité serait conclue en ces termes. Si la question demeura à l’ordre du jour, ce fut beaucoup grâce à Baldwin, et en particulier à la correspondance qu’il entretint avec le grand protagoniste de la réciprocité au Congrès américain jusqu’en 1850, le sénateur John Adams Dix, un de ses parents.

De 1848 à 1851, La Fontaine, Sullivan et Hincks allèrent chacun en mission à Washington pour obtenir la réciprocité : la diplomatie internationale faisait ainsi son entrée dans la politique canadienne. Mais le favoritisme, étroitement lié à la conception que Baldwin se faisait du gouvernement responsable, occupait plus de place encore. Baldwin avait toujours reconnu que c’était là un moyen important de briser l’emprise des tories mais, comme en 1842–1843, il le trouvait de mauvais goût et difficile à pratiquer ; il attisa le mécontentement des réformistes en l’utilisant mal. À son insu, Hincks nomma juge un tory, Robert Easton Burns*. Baldwin lui-même fit du tort à son parti dans l’affaire Henry John Boulton*. Autrefois lié, comme tory, au family compact, Boulton prétendait maintenant être un réformiste loyal. Quand, en 1849, on apprit que Baldwin lui avait promis un poste de juge, le Globe de Toronto déversa sa colère sur le candidat. Baldwin fit marche arrière en janvier 1850 en alléguant qu’il n’avait jamais fait cette promesse à Boulton. Celui-ci se joignit bientôt aux clear grits et devint un vigoureux et embarrassant critique du gouvernement.

En 1849, pendant son deuxième mandat de procureur général, Baldwin fit à la province son legs le plus durable : la réforme du système judiciaire du Haut-Canada. Une nouvelle Cour des plaids communs et une Cour d’appel et de pourvoi pour erreur furent créées ; la Cour de la chancellerie fut modifiée et le nombre de ses juges passa de un à trois. Hincks affirma plus tard que Baldwin avait conçu les grandes lignes de ces réformes et les avait mises en forme tandis que le solliciteur général, William Hume Blake*, l’avait aidé à rédiger les projets de loi. Pour sa part, Baldwin, qui n’était pas homme à s’attribuer le mérite du travail d’autrui, déclarait que Blake et lui avaient agi en collaboration, mais que Blake avait rédigé le projet de loi sur la Cour de la chancellerie. Ironiquement, ce tribunal souleva, en 1851, la controverse qui contribua à pousser Baldwin hors de la scène politique.

Baldwin avait devant lui deux autres problèmes difficiles, la question pénitentiaire et l’amnistie. La commission chargée d’enquêter sur les accusations de corruption et de brutalité lancées contre le pénitencier de Kingston était dominée par son secrétaire, George Brown*, éditeur du Globe. Son rapport fut égaré lors des désordres que déclencha en 1849 la proposition d’indemniser les personnes qui avaient subi des pertes durant la rébellion, mais le rationalisme cruel avec lequel y était envisagée la discipline pénitentiaire, inspiré de modèles américains, n’aurait pas plu à Baldwin. Il retarda toute loi sur la prison jusqu’en 1851 et n’en améliora alors que l’administration, envenimant ainsi ses relations avec Brown.

En prenant le pouvoir, en 1848, Baldwin avait pressé la Grande-Bretagne d’accorder une amnistie générale aux rebelles de 1837–1838, ce qu’elle fit en 1849. Toutefois, il fut incapable de donner satisfaction à trois exilés éminents. Il ne parvint pas à un accord avec Robert Fleming Gourlay*, expulsé du Haut-Canada en 1819. Marshall Spring Bidwell, en dépit des promesses que lui faisait Baldwin de lui assurer une carrière juridique, ne semblait prêt à revenir que si on lui garantissait une place de leader politique. En 1849, lui aussi se plaignait de l’ingratitude de Baldwin à des réformistes déçus. William Lyon Mackenzie avait davantage raison d’être mécontent. Il avait dû attendre l’amnistie générale, et Baldwin rejetait avec mépris ses exigences : récupérer le salaire de député et les dépenses qu’avait entraînées sa participation à des comités, et qui lui étaient dues depuis 1837. Baldwin éprouvait une hostilité particulière envers cet homme impétueux. Il l’évinça du parti et s’en fit un ennemi dangereux et même mortel.

Il régnait un désordre extraordinaire au moment où le gouvernement La Fontaine-Baldwin entreprit son mandat. La crise économique, l’arrivée des Irlandais jetés hors de leur pays par la famine, les révolutions européennes, tout cela encourageait à l’émeute les orangistes et les Irlandais catholiques, les tories de Toronto, furieux du retour de Mackenzie, les marins en colère de Québec, les ouvriers des chemins de fer, mécontents, et des milliers d’autres personnes. De 1846 à 1851, en raison des tentatives visant à imposer aux paroisses un système d’éducation centralisé [V. Jean-Baptiste Meilleur*], les régions rurales du Canada français furent le théâtre d’incendies et d’émeutes. Souvent, les historiens considèrent que le « grand ministère » s’était engagé à faire progresser rapidement une société adhérant aux mêmes valeurs que lui. Or, de toute évidence, nombreux étaient ceux qui n’accueillaient pas le progrès avec enthousiasme ; Baldwin lui-même était assailli de doutes. C’était une période de transition, et le passage d’une économie traditionnelle à une économie capitaliste ne se fit pas sans une opposition souvent violente.

Jamais le gouvernement La Fontaine-Baldwin ne fut plus gravement menacé que lorsque, en 1849, déchaînés par la proposition d’indemniser les personnes qui avaient subi des pertes durant la rébellion, les tories s’en prirent à la domination que, selon eux, les Canadiens français exerçaient sur la province, et s’attaquèrent particulièrement à La Fontaine. Baldwin ne se mêla guère au débat, renforçant ainsi l’opposition dans sa conviction qu’il ne soutenait pas la proposition gouvernementale. En fait, semble-t-il, il doutait du bien-fondé d’un dédommagement à ceux qui avaient été reconnus coupables de trahison, et il ne reprit son leadership qu’après que les rebelles condamnés eurent été exclus du projet de loi par un amendement. Adoptant une stratégie dure envers l’opposition, il prolongea le débat de l’Assemblée durant toute la nuit du 22 au 23 février, jusqu’à l’adoption de la résolution.

Pendant les émeutes qui éclatèrent à Montréal après la signature du projet de loi par lord Elgin, le 25 avril, la pension où séjournait Baldwin fut prise d’assaut par une bande d’émeutiers, mais rien n’indique qu’il s’y trouvait. Il faisait partie du comité du Conseil exécutif qui se chargea de ramener l’ordre dans la ville et qui prit la décision d’assermenter des Canadiens français comme constables et de les armer, mesure qui pouvait être désastreuse. Seule la promesse de les retirer calma les manifestants tories et évita un bain de sang. Puis, passant rapidement au front politique, Baldwin pressa les réformistes du Haut-Canada d’organiser des rassemblements et de faire signer des pétitions en faveur du gouvernement ; il finança aussi, personnellement, des campagnes de pétition dans les régions rurales du Haut-Canada. Enfin, il joua un rôle important dans la décision que prit le cabinet, en octobre 1849, de transférer la capitale de Montréal à Toronto.

Quand les tories, mécontents, se mirent à prôner l’annexion aux États-Unis comme solution aux problèmes du Canada [V. George Moffatt*], Baldwin jeta sans pitié les annexionnistes hors de l’administration publique. Il se montra d’une égale fermeté avec le parti réformiste. Peter Perry, soupçonné de visées annexionnistes, fut choisi comme candidat des réformistes radicaux à l’occasion d’une élection partielle dans York East, qui devait se tenir en décembre. Baldwin le mit vite au pas. Le 4 octobre, dans une lettre largement diffusée par la presse réformiste, il prévint Perry en ces termes : « tous doivent donc savoir que je ne puis considérer comme des amis politiques que ceux qui sont en faveur du maintien du lien [avec la Grande-Bretagne] – et comme des ennemis politiques ceux qui s’y opposent ». Perry s’engagea publiquement à ne pas discuter d’annexion et le parti retrouva son équilibre.

La crise de 1849 contribua à éclipser les réalisations constantes du gouvernement. De même, la reconnaissance du gouvernement responsable, confirmée lorsque Elgin apposa sa signature au bas de la loi sur l’indemnisation des pertes subies pendant la rébellion, accapara l’attention. Pour les gens de l’Examiner et d’autres depuis, Baldwin était l’homme d’une seule idée et avait peu à offrir une fois la responsabilité ministérielle acquise. Or, le gouvernement, et Baldwin en particulier, avait en main une longue liste de réformes importantes.

Ainsi, la loi sur les corps municipaux, adoptée en 1849, mit en place le système efficace d’administration régionale que les réformistes exigeaient depuis que Durham en avait souligné la nécessité dans son rapport. Elle substitua les comtés aux districts, difficiles à gérer, et permit aux villes et aux villages de s’ériger en municipalités et de se donner un conseil élu, comme elle le prévoyait pour les cantons. Certains historiens ont vu dans ce texte de loi une grande extension de la démocratie et une œuvre exclusive de Baldwin. En accordant aux municipalités des conseils élus, la loi leur donnait en effet une certaine indépendance par rapport au pouvoir provincial. Toutefois, trois restrictions demeuraient : l’autorité en matière financière était répartie entre les magistrats nommés par la province et les conseils de comté, le cens électoral était maintenu et la province continuait de nommer les fonctionnaires importants des comtés, dont le registrateur, le shérif et le coroner. Lorsqu’en 1850 Peter Perry critiqua ces vestiges non démocratiques, Baldwin, sans honte, rétorqua qu’il n’y avait pas de régime monarchique sans prérogatives de la couronne et que les fonctionnaires liés à l’administration de la justice devaient être nommés par la couronne. Il affirma de plus que le cens électoral était nécessaire, tant pour voter que pour détenir un poste public. D’autre part, Hincks participa aussi à la rédaction de cette loi. Un mémoire de 1848 recommandait de renforcer les municipalités en leur donnant le pouvoir de taxer et d’emprunter, et les préoccupations de Hincks figuraient dans la loi, qui permettait aux conseils d’émettre des débentures. Quand, en 1851, Baldwin et Hincks s’affrontèrent à propos du financement des chemins de fer par les corps municipaux, Hincks s’appuya sur la loi. Baldwin ne semblait pas connaître ces dispositions, ce qui suggère qu’il n’avait pas rédigé le texte seul.

L’University of Toronto, par contre, fut sans contredit l’œuvre de Baldwin. Son projet de loi d’octobre 1843 sur la question universitaire était mort en même temps que le gouvernement, en décembre de cette année-là [V. John Strachan]. Mais Baldwin était toujours déterminé à résoudre le problème, à mettre fin à l’interdépendance de l’Église et de l’État dans l’enseignement supérieur et à détruire ce qui, dans le King’s College, en faisait un symbole vivant du privilège dont jouissait l’Église d’Angleterre et du favoritisme de classe. Peu après avoir pris le pouvoir, en 1848, il avait affirmé l’autorité gouvernementale. En juillet, il créa une commission d’enquête sur les finances du collège, qui étaient alimentées par des terres de la couronne. Noyautée par des réformistes, la commission accumula des preuves de mauvaise gestion et étaya la nécessité d’une réforme. Ces conclusions formèrent la base du projet de loi sur l’université que Baldwin présenta le 3 avril 1849. Ce texte dépouillait l’Église d’Angleterre de son pouvoir sur l’éducation supérieure et prévoyait la création d’une université non confessionnelle, l’University of Toronto, qui serait laïque, centralisée et sous l’autorité du gouvernement. Les collèges confessionnels du Haut-Canada – Victoria (méthodiste), Queen’s (presbytérien), Regiopolis et Bytown (catholiques) – pourraient s’y affilier, mais ils perdraient le droit de décerner des diplômes, sauf en théologie, et n’auraient droit à aucune part de la dotation. Cependant, Baldwin n’accomplit pas tout ce qu’il avait espéré. Les collèges confessionnels ne renoncèrent pas à leur indépendance et, malgré l’opposition de Baldwin, l’évêque Strachan obtint une charte pour un établissement anglican, l’University of Trinity College. Il reste que le projet de Baldwin annonçait l’évolution future de l’enseignement supérieur en Ontario.

Baldwin s’opposa aussi à son Église au sujet des réserves du clergé. En cela, ses efforts furent gênés par les réformistes canadiens-français, dont La Fontaine, qui craignaient que, encouragés par l’abolition des réserves, les radicaux haut-canadiens ne s’attaquent aux institutions religieuses du Bas-Canada. Néanmoins, sous la pression de son aile gauche, Baldwin tenta un compromis. Le 18 juin 1850, James Hervey Price* présenta à l’Assemblée 31 résolutions dont la principale demandait à la Grande-Bretagne de donner au Parlement canadien le pouvoir de disposer des recettes des réserves du clergé. Ce compromis, qui n’était au mieux qu’un progrès modeste, fut adopté, mais en raison de l’opposition de la hiérarchie anglicane, le gouvernement britannique ne bougea pas.

Les pressions en faveur d’un règlement de la question des réserves, tout comme la controverse autour de l’annexion, montrèrent que l’impatience croissante de l’aile radicale était l’une des menaces les plus sérieuses qui pesaient sur le gouvernement La Fontaine-Baldwin. Stimulés par l’élection de Perry, les clear grits adoptèrent en mars 1850 un programme distinct, beaucoup plus favorable à la démocratie et au voluntaryism que le plan de réformes proposé par Baldwin. On mesura la gravité de cette provocation quand l’Examiner, alors publié par James Lesslie*, devint l’allié des clear grits. Pendant la session de 1850, ceux-ci agirent davantage comme des membres de l’opposition que comme des critiques internes du parti.

Baldwin n’était pas attiré par le nouveau libéralisme et ne le comprenait pas. Or, par ses erreurs, il en favorisa la montée. Au printemps de 1849, l’unique radical du cabinet, Malcolm Cameron, reçut le mandat de rédiger des modifications à la loi de 1841 sur les écoles publiques. Ce cas révèle combien Baldwin, absorbé par ses problèmes personnels et par les grandes questions publiques, ne s’intéressait pas aux détails qui pouvaient décider du sort d’une mesure politique. Il autorisa la présentation du projet de loi sans l’avoir lu, de sorte qu’il ignorait que Cameron proposait une restructuration radicale du système scolaire haut-canadien. Le projet fut adopté par l’Assemblée en mai 1849. Ses dispositions démocratiques et décentralisatrices déclenchèrent la colère d’Egerton Ryerson*, surintendant des écoles, qui menaça de démissionner. Baldwin capitula même si, ce faisant, il humiliait son propre gouvernement en suspendant l’une de ses lois. Résultat inévitable, Cameron démissionna le 1er décembre et alla à son tour attiser le mécontentement de l’aile gauche. Lorsque John Wetenhall, qui l’avait remplacé au Conseil exécutif, dut se faire élire, Cameron se lança dans une campagne vigoureuse en faveur du clear grit Caleb Hopkins*. Wetenhall, défait, sombra dans la démence et Baldwin, dans un accès de dépression, ne sembla pas pouvoir s’en remettre. Bientôt, la rumeur courut qu’il s’apprêtait à démissionner.

Durant sa dernière année, le gouvernement La Fontaine-Baldwin ne fit que battre en retraite devant le harcèlement de ses infatigables critiques de gauche. La modération en politique avait souffert de l’extrémisme qui s’était manifesté au moment de la promulgation de la loi visant à indemniser les personnes qui avaient subi des pertes durant la rébellion et de l’apparition du mouvement annexionniste, ainsi que de l’affaiblissement de l’autorité de Baldwin. Depuis la longue dépression commerciale qui s’était achevée en 1850, les clear grits aussi bien que les tories étaient plus séduits encore par la réussite économique des États-Unis. À la consternation de Baldwin, la chambre débattit à la session de 1850 de changements constitutionnels comme la détermination de moments fixes pour les réunions du Parlement et pour les élections. Selon lui, cela faisait « partie d’un plan visant à changer, morceau par morceau, [la] constitution ». Il repoussait chaque initiative, mais il y en avait toujours de nouvelles.

La révision constitutionnelle gagnait des adeptes jusqu’au sein du cabinet. Depuis longtemps, Baldwin s’opposait à cette panacée qu’était un conseil législatif élu car il y voyait une innovation propre à rompre le lien impérial. Il fut bouleversé quand son cabinet affirma qu’il fallait le donner aux radicaux comme un os à ronger. Le 10 avril 1850, il écrivit à Elgin pour lui offrir sa démission : il n’avait plus d’autre choix que de quitter un gouvernement engagé dans une voie aussi désastreuse. Son terrorisme tranquille fit effet le cabinet ne parla plus de cette réforme que Baldwin avait en horreur. Par contre, la chambre ne manqua pas d’y revenir souvent. Le 3 juin 1850, Henry John Boulton et Louis-Joseph Papineau entamèrent un débat sur la révision constitutionnelle en demandant notamment un conseil électif. Dans un bizarre mouvement d’opportunisme, des tories comme Henry Sherwood se montrèrent intéressés. Baldwin répliqua. Les innovateurs étaient des républicains qui appelaient à se détourner d’une mère généreuse et se rendaient coupables d’une « noire ingratitude ». Il gagna : la motion Boulton-Papineau fut battue. Mais il avait dû menacer de démissionner et, à la chambre, sa défense du statu quo constitutionnel prenait un ton de plus en plus criard.

L’opposition harcelait aussi Baldwin sur la réduction des dépenses, moyen privilégié par les libre-échangistes et les libéraux pour réduire la taille de l’État. Ses attaques s’amplifièrent après la démission, le 21 décembre 1850, du populaire William Hamilton Merritt qui quitta le cabinet parce qu’il était furieux que le gouvernement refuse ses compressions radicales. Les rebelles épousèrent en outre la cause de l’anticatholicisme, encouragés en cela par la vague de préjugés religieux qui déferlait sur l’Angleterre en 1850–1851. Le Globe, principal journal réformiste, menait la croisade. Il rompit définitivement avec Baldwin, jugé trop étroitement lié aux Canadiens français, en avril 1851, lorsque George Brown fut battu par William Lyon Mackenzie lors d’une élection partielle dans Haldimand, défaite que Brown attribua aux voix catholiques et au manque d’appui de Baldwin.

De même, ses conflits constants avec Hincks au sujet de la politique économique, tout comme l’influence grandissante de son inspecteur général, contribuèrent au déclin de Baldwin. Les facteurs de leur division étaient les mêmes que dans les années 1840, mais ils avaient plus de poids en raison de l’émergence des chemins de fer. Même si, en avril 1849, Baldwin appuya la loi garantissant les obligations contractées par les compagnies de chemins de fer, que proposait Hincks, il se méfiait d’un développement trop rapide et doutait de la probité financière de certaines compagnies. Ce mois-là, il s’opposa en vain à la reconnaissance juridique de la Toronto, Simcoe and Huron Union Rail-Road, dont les plans de financement sentaient selon lui la « loterie » [V. Frederick Chase Capreol*]. L’année suivante, il s’alarma d’une loi qui permettait aux municipalités d’acheter des actions de la Great Western, mais ne sut pas convaincre la chambre de ses dangers. Hincks présenta une modification autorisant les municipalités à investir dans toutes les compagnies de chemins de fer, et non seulement dans la Great Western. Lors du vote, Baldwin se retrouva au sein d’une minorité de huit, avec six Canadiens français et un libéral anglophone du Bas-Canada. Il semblait être redevenu, comme à ses débuts en 1841, une voix isolée dans un concert de partisans du progrès.

Hincks n’hésitait jamais à exprimer son désaccord. En octobre 1849, furieux des divergences d’opinion sur le favoritisme et les terres de la couronne et de ce qui, selon lui, était de la mollesse envers les annexionnistes, il dit à Baldwin que le pays était dégoûté de la « politique vacillante » du gouvernement et de lui « en particulier ». Impatienté par la lenteur de Baldwin à faire un remaniement ministériel, il lança : « En 24 heures, je pourrais moi-même former un cabinet permanent et satisfaisant. » Mais la rupture ne vint vraiment qu’en 1851, au moment où Hincks proposa au cabinet d’étendre les pouvoirs des municipalités pour aider les compagnies de chemins de fer. Baldwin combattait cette idée depuis des mois auprès de ses ministres. Le 30 avril, convaincu d’avoir la majorité du cabinet derrière lui, Hincks écrivit à La Fontaine pour se plaindre des manœuvres d’obstruction de Baldwin et dire qu’il était prêt à démissionner. Baldwin, qui avait aussi menacé de le faire, dut céder. Pour sauver la face, il précisa à La Fontaine qu’il ne se « ralli[ait] » pas aux propositions, il ne faisait qu’y « acquiescer ».

L’économie traditionnelle basée sur la propriété foncière, rempart des valeurs auxquelles Baldwin adhérait, cédait la place à une économie capitaliste. La constitution, qu’il croyait avoir affermie grâce au gouvernement responsable, faisait l’objet d’attaques de plus en plus vives. Le parti réformiste, instrument avec lequel il avait voulu appliquer la constitution telle qu’il la percevait et réaliser l’unité des francophones et des anglophones, volait en éclats. Dans le Haut-Canada, les tensions religieuses avaient pris la forme d’une protestation indignée contre la « domination française » dans la province du Canada. Comme la question des réserves du clergé demeurait irrésolue et que le Globe de George Brown s’instituait le grand critique protestant, l’hostilité envers les Canadiens français s’était muée en une force puissante. En somme, les fondements du libéralisme de Baldwin semblaient avoir perdu leur attrait.

La mère de Baldwin était morte en janvier 1851. Ses difficultés personnelles et politiques produisirent le résultat habituel chez Baldwin : il sombra dans la dépression et fut gravement malade en mai et juin. Le harcèlement constant des radicaux le poussait aussi à s’isoler davantage. Sa classe, celle des propriétaires terriens et des membres des professions libérales, était rejetée par les partisans capitalistes du progrès et par les agrariens radicaux. Les mécontents s’attaquaient à la cupidité des juristes et à la complexité du système judiciaire. J. Reed, réformiste de Sharon, dans la circonscription même de Baldwin, écrivit en mai 1851 à William Lyon Mackenzie : « Le mot d’ordre doit être : non plus des avocats, mais plus de fermiers et de mécaniciens. » Les coups redoublèrent pendant la session de 1851. Baldwin ne se trouva nullement réconforté lorsque, le 26 juin, Mackenzie proposa de former un comité spécial qui préparerait un projet de loi abolissant la Cour de la chancellerie et donnant aux tribunaux de common law juridiction en matière d’equity. Baldwin pria la chambre de laisser aux réformes judiciaires le temps de faire leurs preuves, mais cette dernière faisait la sourde oreille. Même le solliciteur général du Canada-Ouest, John Sandfield Macdonald, admit que les tribunaux étaient trop coûteux et complexes. La motion de Mackenzie fut battue à 30 contre 34, mais 25 Haut-Canadiens avaient voté pour elle tandis que 8 seulement l’avaient rejetée.

Le lendemain, Baldwin écrivit à La Fontaine que, après analyse du vote, il avait conclu que « dans l’intérêt public il va[lait] mieux qu’[il se] retire ». Le 30 juin, il se leva en chambre pour annoncer sa décision. Il expliqua que le vote ne lui avait pas laissé d’autre choix. Dans une Assemblée qui n’avait accordé que deux ans d’essai à une réforme majeure, il se sentait comme « un intrus ». Ses collègues l’avaient pressé de reconsidérer sa décision, mais il estimait pouvoir leur être plus utile à l’extérieur du gouvernement. Son principal sujet de préoccupation ressortait de son discours chargé d’émotion : « les conséquences de cette téméraire négligence des principes premiers, si elles ne sont pas maîtrisées, ne peuvent mener qu’à une vaste désorganisation sociale, avec tout ce que cela suppose de terrible ». Achevant par un mot de remerciement aux réformistes bas-canadiens qui l’avaient appuyé, Baldwin se rassit, le visage baigné de larmes.

Le même jour, La Fontaine annonça son propre départ. Dès lors, Hincks pouvait former une alliance nouvelle et singulière en réunissant ses réformistes modernistes aux clear grits et aux réformistes du Bas-Canada dirigés par Augustin-Norbert Morin*. Baldwin observa tout cela avec malaise. En tant qu’homme de parti, il estimait devoir aider Hincks mais, en septembre, il pressa son gendre, John Ross*, d’éviter si possible d’entrer dans le nouveau cabinet. Pourtant, lui-même ne put rester sourd aux appels du devoir. Aux élections générales suivantes, il se porta candidat dans York North. Ce fut une décision désastreuse. Les clear grits choisirent Joseph Hartman, qui fit appel à Mackenzie pour l’aider dans sa campagne. S’attachant aux pas de Baldwin, le vieux rebelle le suivit d’assemblée en assemblée pour le réfuter sur tous les points. Baldwin recueillit trois fois moins de voix que Hartman. Lui qui n’avait jamais su organiser de campagne à l’échelle d’une circonscription, comme Robert Baldwin Sullivan l’avait noté dès 1828, ne savait même plus soupeser les intérêts locaux en cause. Faute de reconnaître la possibilité d’une alliance avec les partisans de l’économie traditionnelle, il avait pavé la voie au triomphe de leurs ennemis communs, les réformistes partisans du progrès. Baldwin ne cessa pas pour autant d’être un important symbole politique : chaque fois que le libéralisme serait en difficulté, son nom referait surface. Ainsi, des rumeurs voulurent en 1853 qu’il revienne diriger le gouvernement chancelant de Hincks et de Morin. En 1854, il rompit son silence public pour inciter la population à donner son appui à la coalition formée par Hincks et Morin ; cette dernière était loin d’être parfaite, disait-il, mais elle méritait une chance. En 1856, le vérificateur John Langton*, devant la faiblesse du ministère MacNab-Morin, voyait en Baldwin le seul homme capable de faire concurrence à John Alexander Macdonald* pour réformer un gouvernement solide. À l’été de 1858, des réformistes lui demandaient encore de sauver le parti. Même après sa mort, certains réformistes modérés, dont ceux que dirigeait John Sandfield Macdonald, s’appelleraient « baldwinistes » pour se distinguer des partisans de Brown, plus radicaux. En 1871, changeant encore de cap, Brown ressusciterait la tradition et le nom de Baldwin en pressant les catholiques de se joindre aux grits pour « reconstituer l’ancien parti réformiste ».

Les relations entre Baldwin et Hincks, souvent difficiles, devaient se tendre davantage, notamment sur la question de l’University of Toronto. En septembre 1852, Hincks proposa d’abolir l’assemblée délibérante, qui dirigeait l’établissement avec un « sénat », et d’éliminer la faculté de médecine pour laisser l’enseignement de cette matière à des écoles privées du modèle de celle qu’avait fondée son allié, John Rolph. De même, le sénat comprendrait des représentants des collèges non affiliés qui seraient capables de mettre quelques grains de sable dans les rouages bien huilés de l’université. Deux mois plus tard, le 25 novembre, l’assemblée délibérante élut Baldwin chancelier. Pour accepter cette nomination, Baldwin aurait dû, comme il l’écrivit au professeur Henry Holmes Croft*, « être moins hostile à la voie adoptée par le gouvernement d’alors ». Mais il refusa aussi par besoin de s’isoler. Il rejeta d’ailleurs toute offre qui l’aurait ramené sur la scène publique : deux postes de juge aussi bien que des sièges dans des commissions et des invitations à se porter candidat à des élections. Il ne s’occupa plus que de l’essentiel : sa maison, sa famille, ses souvenirs. Seule la Law Society of Upper Canada, c’est-à-dire le droit en tant qu’institution, pouvait le tirer de sa retraite. Il en fut le trésorier de 1850 à sa mort et la représenta au sénat de l’University of Toronto de 1853 à 1856. Il fit aussi exception, dans une certaine mesure, pour l’Église d’Angleterre. « Me voici, disait-il en décembre 1853 à John Ross, plutôt partisan de la high church, si je m’en tiens à l’angle sous lequel je vois la distinction entre partisan de la high church et partisan de la low church, mais je pense n’être ni bigot ni intolérant. » Son premier souci était le maintien de la forme traditionnelle du gouvernement interne de l’Église, ce qui contrastait avec ses vues pragmatiques sur la séparation de l’Église et de l’État, réforme qu’il avait présentée autrefois comme nécessaire pour empêcher l’Église de devenir le jouet des politiciens. Il n’a prouvait aucune mesure de démocratisation de l’Église. Président de l’Upper Canada Bible Society jusqu’en 1856, il collabora cependant aussi bien avec les partisans de la low church qu’avec ceux de la high church.

Quelques honneurs échurent à Baldwin au cours de ces années. Le 3 avril 1853, le Canadian Institute de Toronto reconnut publiquement la part qu’il avait prise dans sa fondation. En 1854, il fut fait compagnon de l’ordre du Bain. Dans l’ensemble, toutefois, il menait une existence retirée. Il s’intéressait à l’amélioration du domaine familial, Spadina, où il s’était installé en 1850 ou 1851. L’été, il passait beaucoup de temps à jardiner ; l’hiver, devant la fenêtre qui donnait sur le cimetière familial, il relisait sa correspondance passée et transcrivait les lettres de sa femme. Pour les étrangers, c’était un personnage fantomatique ; il ne s’aventurait dans les rues ou ne recevait des amis qu’à l’occasion.

À compter du moment de sa retraite, la santé de Baldwin s’était détériorée. Des maladies débilitantes, physiques ou psychologiques, le torturaient. Il avait de temps à autre des problèmes de motricité et de vision : son écriture devenait tremblotante, il faisait des fautes d’orthographe et répétait des mots. La dépression demeure le diagnostic le plus plausible. Il ne recherchait plus la compagnie de ses semblables et perdait contact avec le monde extérieur. Les indices les plus frappants de l’aggravation de son état se trouvent dans sa lettre du 21 septembre 1853 à La Fontaine, où il décline une invitation à faire un voyage en Europe avec lui et sa femme. Malade depuis le mois de mai, il avait « rarement passé deux jours consécutifs sans entendre un grondement désagréable dans la tête ». Il se sentait étourdi, facilement inquiet et surexcité. Sa peur de voyager s’était accrue depuis la mort subite de Barbara Sullivan, sa tante et belle-mère, survenue dans le courant de l’année. Son corps le préoccupait étrangement. Comme il le disait à La Fontaine : « mes organes sont trop puissants [...] je fabrique trop vite du sang et de la graisse ». Cette préoccupation le rendait obsédé par la mort, qu’il sentait proche depuis 1826 au moins, et surtout depuis le décès d’Elizabeth. L’ancien copremier ministre de la province du Canada se trouvait à présent dans un état pathétique : il vivait, disait sa fille Augusta Elizabeth, « dans la terreur d’une nouvelle crise ». La famille s’assembla autour de l’invalide ; chacun prenait à son tour soin du grand homme. Comme il refusait de quitter Spadina, Augusta Elizabeth et John Ross durent abandonner Belleville pour Toronto. Le fardeau le plus lourd, cependant, reposait sur sa fille aînée, Phoebe Maria, qui tenait la maison tout en distrayant et conseillant son père. Pour être sûr qu’elle ne partirait pas, il refusa sa main à l’héritier d’une famille de tories du family compact, Jonas Jones fils, puis à un professeur américain. Toute cette intransigeance fit de Phoebe Maria une vieille fille amère et malheureuse.

L’autre fille de Baldwin connut un sort plus heureux. Augusta Elizabeth avait épousé John Ross, beaucoup plus âgé qu’elle, à Spadina, le 4 février 1851. Certains membres de la famille en furent atterrés, mais Baldwin aimait Ross, il avait parrainé sa carrière dans le droit et se rappelait peut-être la désapprobation familiale qui avait d’abord entouré sa romance avec une autre Elizabeth. Les fils de Baldwin réussirent moins bien. L’aîné, William Willcocks, épousa en 1854 Elizabeth MacDougall, que Baldwin aimait tendrement, mais qui mourut en 1855. Selon sa fille cadette, sa mort sembla le « briser complètement » ; c’était, disait-il, « comme un second veuvage ». William Willcocks se remaria en 1856 mais mena une carrière peu brillante et, s’il obtint en 1864 une sinécure à Osgoode Hall, ce fut probablement à cause de la réputation de son père. Son inconséquence en matière financière le força à vendre en 1866 Spadina, le domaine chéri de son père. L’autre fils, Robert, jeune aventurier qui prit la mer en 1849, contracta la polio en 1858 et dut vivre à la maison, infirme.

À l’été de 1858, il ne restait guère plus à Baldwin que le souvenir d’Elizabeth. Il souffrait de maux de tête constants et, quand il parvenait à trouver le sommeil, il était assailli de « rêves harassants et inquiétants ». La mémoire lui faisait si souvent défaut qu’il ne pouvait plus accomplir son travail pour la Law Society à Osgoode Hall. Une dernière aventure malheureuse en politique, en 1858, aggrava encore son état. Pressé par George Brown, alors chef du parti, il accepta de se porter candidat au nouveau Conseil législatif électif dans la division d’York. C’était une douce ironie étant donné qu’autrefois il avait préféré l’abandon de la vie politique à l’acceptation d’un conseil élu. Mais il se rendit bientôt compte qu’il était inapte, physiquement et psychologiquement, à occuper un poste public, et se retira le 12 août.

Les affaires familiales de Baldwin devaient troubler sa fin. Au début de décembre 1858, il était clair qu’il se mourait : une « névralgie dans la poitrine », rapportait le Globe, avait dégénéré en une « grave inflammation des poumons ». Pendant plusieurs jours, il tenta de faire son testament. Son fils William Willcocks, croyant à tort que Lawrence Heyden conspirait pour que soit réduite sa part d’héritage, le harcelait. Enfin, le 9, le testament fut terminé. Il répartissait le produit d’un cabinet prospère et des biens commerciaux et fonciers, à Toronto et un peu partout dans la province, que Baldwin avait reçus en héritage. Baldwin était l’un des hommes les plus riches du Haut-Canada. L’après-midi du même jour, il mourut à Spadina. Le 13 décembre, une des foules les plus nombreuses qu’ait connu l’histoire de la province en pareille occasion vint rendre hommage à l’homme d’État décédé. Baldwin fut conduit à son dernier repos... ou du moins l’assistance le crut-elle.

Tout au long de ses dernières années, Baldwin n’avait vécu que dans le souvenir de sa femme. Son amour nostalgique, son chagrin, sa culpabilité devant le fait qu’Elizabeth était morte des suites de ses grossesses, il écrivit tout cela dans un étrange document par lequel il voulait s’assurer de la retrouver dans l’au-delà. Dans une liste en neuf points, il demandait que certains des biens d’Elizabeth et ses lettres soient enterrés avec lui et que leurs cercueils soient enchaînés l’un à l’autre. Mais, allant plus loin, il demandait que l’on procède sur son cadavre à l’opération suivante : « Qu’une incision soit faite, dans la cavité de l’abdomen, d’une extrémité à l’autre des deux tiers supérieurs de la linea alba. » C’était la césarienne qu’Elizabeth avait subie.

Ce fut la fidèle Phoebe Maria qui recueillit les instructions de Baldwin. Elle veilla à ce que la plupart d’entre elles soient observées mais, peut-être dans un dernier geste de révolte, ne fit pas faire l’opération et ne souffla apparemment mot de la requête à aucun membre de la famille. Un mois après la mort de son père, William Willcocks, en triant les vêtements de celui-ci, découvrit dans une poche une version abrégée des instructions que Baldwin y avait laissée pour le cas où il mourrait loin de chez lui. Le vieil homme suppliait en ces termes quiconque trouverait la note : « pour l’amour de Dieu, par charité chrétienne, et en pensant solennellement qu’un jour, à l’article de la mort, vous aurez peut-être une dernière requête à formuler à autrui, ne permettez pas [...] que je sois placé dans mon cercueil avant l’accomplissement de cette ultime injonction solennelle ». William Willcocks se rendit à son vœu. Par un jour froid de janvier 1859, le docteur James Henry Richardson, Lawrence Heyden, William Augustus Baldwin (frère de Robert) et William Willcocks pénétrèrent dans le caveau et accomplirent sa volonté. Cet épilogue étrange convenait bien à celui qui s’était tenu sur la scène publique tout en vivant une lente agonie secrète, à cet homme compris et aimé de peu de gens, mais honoré de tous.

Selon ses propres critères, Robert Baldwin avait raté sa vie. Poussé en politique par un sens profond de son devoir de chrétien, il s’était efforcé de préserver l’autorité des gentlemen et tout ce qui l’entourait. Au moment où il fut évincé du monde public, la marche du progrès et la montée du capitalisme et du machinisme avaient éclipsé ce pour quoi il s’était battu. Néanmoins, ses réalisations furent légion, le génie du gouvernement responsable et l’héritage d’une nation biculturelle venant au premier plan. Qu’il ait accompli autant, et à un tel prix pour lui-même, montre toute la grandeur de cet homme. Il est heureux que Baldwin, dans la vie comme dans la mort, ait eu son Elizabeth, unique élément immuable dans un monde de changements déroutants.

Michael S. Cross et Robert Lochiel Fraser

Les auteurs de la biographie sont très reconnaissants à J. P. B. Ross et Simon Scott qui leur ont permis de consulter une documentation qu’ils n’avaient pas encore utilisée. On trouve des renseignements sur Robert Baldwin dans presque toutes les collections de documents privés et officiels de la période. Les plus importantes sources de renseignements se trouvent dans les différentes collections des papiers Baldwin à la MTL et dans ceux qui ont été conservés aux AO, soit les papiers Baldwin (MS 88), les documents du procureur général (RG 4, A1) et les papiers Mackenzie-Lindsey (MS 516). La Coll. La Fontaine de la BNQ, Dép. des mss, mss–101 (copies aux APC, MG 24, B14), et les papiers Baldwin-Ross, acquis tout récemment par les APC (MG 24, B11, vol. 9–10), sont des documents indispensables, tout comme le sont les papiers Ross-Baldwin appartenant à Simon Scott.

Plusieurs collections de documents imprimés méritent d’être mentionnées : Arthur papers (Sanderson) ; Coll. Elgin-Grey (Doughty) ; et Debates of the Legislative Assembly of United Canada (Abbott Gibbs et al.). Les meilleurs journaux de l’époque à consulter sont : le Pilot (Montréal), 1844–1851 ; la Montreal Gazette, 1841–1858 ; l’Examiner (Toronto), 1840–1851 et le Globe, 1844–1858. Parmi les biographies de Baldwin, on peut mentionner : G. E. Wilson, The life of Robert Baldwin ; a study in the struggle for responsible government (Toronto, 1933), déjà dépassée ; R. M. et Joyce Baldwin, The Baldwins and the great experiment (Don Mills [Toronto], 1969) ; et Stephen Butler Leacock*, Baldwin, Lafontaine, Hincks : responsible government (Toronto, 1910), très utiles ; et J. M. S. Careless, « Robert Baldwin », The pre-confederation premiers : Ontario government leaders, 1841–1867, J. M. S. Careless, édit. (Toronto, 1980), 89–147, la meilleure. Parmi les articles de périodiques, celui de M. S. Cross et R. L. Fraser, « The waste that lies before me » : the public and the private worlds of Robert Baldwin », SHC Communications hist., 1983 : 164–183, donne une réévaluation du personnage.  [m. s. c. et r. l. f.].

Bibliographie générale

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Michael S. Cross et Robert Lochiel Fraser, « BALDWIN, ROBERT », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 19 mars 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/baldwin_robert_8F.html.

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Auteur de l'article:    Michael S. Cross et Robert Lochiel Fraser
Titre de l'article:    BALDWIN, ROBERT
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1985
Année de la révision:    1985
Date de consultation:    19 mars 2024