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TURCOTTE, JOSEPH-ÉDOUARD, avocat, homme politique, et entrepreneur, né à Gentilly, Bas-Canada, le 10 octobre 1808, du mariage de Joseph Turcot, marchand, et de Marguerite Marchildon, décédé à Trois-Rivières le 20 décembre 1864.
Quatre familles Turcot (ou Turcault) ont fait souche au Canada. L’ancêtre de Joseph-Édouard, Abel Turcot, était originaire de Mouilleron-en-Pareds, Vendée. Il émigra à Château-Richer puis s’établit à Sainte-Famille, île d’Orléans. Le grand-père de Joseph-Édouard, Augustin Turcot, vint résider à Trois-Rivières et son fils Joseph s’établit comme marchand à Gentilly où il éleva une famille considérable.
Joseph-Édouard fait ses études classiques au séminaire de Nicolet de 1821 à 1829, puis il opte pour l’état ecclésiastique. En 1831, il perd accidentellement le bras droit. Cette perte coïncide avec un changement d’orientation mais aucun document ne permet d’établir une relation de cause à effet entre les deux événements. Il se tourne alors vers la profession d’avocat et il entre à l’étude d’Elzéar Bédard*, à Québec. Turcotte se mêle à l’agitation politique de l’heure par des écrits libéraux et révolutionnaires, inspirés des philosophes et des libéraux français. Puis il joint les rangs des partisans de Louis-Joseph Papineau* et devient un patriote radical. À ce titre, il tente de recueillir la succession du patriote Louis Bourdages* à l’élection partielle de Nicolet, au printemps de 1835, mais il est défait par le major Jean-Baptiste Hébert, cultivateur influent de la région de Nicolet.
Admis au barreau le 6 mai 1836, Joseph-Édouard Turcotte exerce sa profession à Québec et poursuit ses activités de patriote. Il intervient dans les élections de juin 1837 en faveur de Michael Connolly contre John Munn* comme représentant de la basse ville de Québec et adhère au Comité permanent de Québec, constitué en septembre de la même année. Laissé en liberté lors des arrestations de novembre 1837 et de novembre 1838, il sert encore la cause patriote par ses plaidoiries ; il obtient, entre autres, pour Célestin Houde, cultivateur de Rivière-du-Loup (Louiseville), accusé de manœuvres séditieuses, un bref d’habeas corpus du juge Joseph-Rémi Vallières* de Saint-Réal qui continue à le concéder malgré la suspension de ce droit dans le Bas-Canada [V. Jean-Roch Rolland]. Joseph-Édouard Turcotte, à l’instar d’Augustin-Norbert Morin, de Louis-Hippolyte La Fontaine et de George-Étienne Cartier*, s’est donc signalé comme patriote, ce que l’historiographie canadienne avait ignoré jusqu’ici.
Sans délaisser la pratique du droit, Turcotte consacrera désormais la plus grande partie de ses énergies à la politique. Établi à Trois-Rivières en 1839, il se présente comme candidat antiunioniste dans Saint-Maurice en avril 1841 et triomphe du redoutable colonel Bartholomew Conrad Augustus Gugy*. Sa conduite politique lui vaut toutefois une forte opposition. En effet, ayant accepté les deux postes rémunérés par le gouvernement de traducteur des lois en décembre 1841 et de secrétaire de la commission de la tenure seigneuriale en avril 1842 [V. Joseph-André Taschereau], Turcotte est l’objet d’une campagne qui veut l’obliger à renoncer à son mandat à l’Assemblée législative. C’est le peuple lui-même qui est appelé à trancher la question, et il réélit Turcotte en juillet 1842. À l’époque, les partis politiques ne sont qu’en voie de formation et une grande liberté est laissée aux députés lors du vote en chambre. C’est ainsi que Turcotte, connu d’abord comme réformiste, s’associe temporairement aux tories des deux sections de la province et appuie le gouverneur Charles Theophilus Metcalfe*, contre l’exécutif, en décembre 1843. Ce vote, qui lui sera reproché plus tard avec acharnement, ne l’empêche pas, en octobre 1844, de faire campagne comme réformiste et de prêter son aide à d’autres candidats appuyant Louis-Hippolyte La Fontaine. La cause de sa défaite dans Saint-Maurice serait donc, d’après le Canadien, non pas sa trahison mais le fait que ses partisans se soient crus négligés.
À l’automne de 1847, Turcotte suscite à nouveau une levée de boucliers. Il se montre d’abord sympathique aux « éteignoirs » [V. Meilleur*] dans leur opposition à la taxe scolaire puis il accepte en décembre le poste de solliciteur général dans le ministère de Henry Sherwood*. Encore une fois, on le taxe d’opportunisme et on le traite de « valet » des Sydenham [Thomson*], Bagot*, Metcalfe et Daly. Aux élections qui suivent, il est défait par Louis Guillet dans Champlain et par Louis-Joseph Papineau dans Saint-Maurice, ce qui l’oblige à renoncer à son poste de solliciteur général dès mars 1848. Mais Turcotte revient à l’Assemblée en 1851, comme représentant de Saint-Maurice, malgré les attaques persistantes de la Minerve et du Journal de Québec. C’est au cours des deux mandats suivants qu’il se distingue le plus comme parlementaire. Il se prononce avec ardeur et éloquence dans les grands débats de l’heure sur les questions du financement des écoles, de l’abolition de la tenure seigneuriale, du choix du gouvernement et de la garantie provinciale pour le chemin de fer de la rive nord. Désormais, il est identifié aux « bleus », même s’il s’y oppose parfois en chambre.
Tout en poursuivant sa carrière parlementaire, Turcotte consacre ses énergies et ses capitaux au développement de la ville et de la région de Trois-Rivières. Il remplit la charge de maire de Trois-Rivières de 1857 à 1863. L’exploitation des forges Radnor dans la paroisse de Saint-Maurice, la construction d’un immense hôtel aux chutes Shawinigan, la fondation en 1860 du collège de Trois-Rivières, l’extension du quai de la ville, la promotion et la construction d’un embranchement du Grand Tronc reliant Arthabaska à Trois-Rivières, le projet d’un autre embranchement de chemin de fer entre Les Piles (Grandes-Piles) et Trois-Rivières, voilà autant de réalisations qui lui coûtent fortune et santé mais lui acquièrent la renommée dans la région de Trois-Rivières. De 1847 à 1853 il est également propriétaire et rédacteur du Journal des Trois-Rivières.
Généralement louangé pour son esprit d’entreprise, Turcotte a été unanimement célébré pour ses talents d’orateur. On l’a comparé à Danton ; Benjamin Sulte* l’a qualifié de Mirabeau. « Simple membre, dit-il, on l’écoutait à l’égal d’un ministre. » En fait, il avait plus de prestige que nombre d’hommes politiques de cette époque : il fut pressenti à deux reprises au moins pour être titulaire d’un portefeuille, en avril 1847 d’abord quand le gouvernement songea à attribuer trois portefeuilles à des membres du parti bas-canadien [V. Caron* ; Draper*], et en mars 1864 quand Étienne-Paschal Taché tenta de former un cabinet de coalition. Dans les années 1850, après les retraits successifs de Robert Baldwin*, de La Fontaine et de Morin, Turcotte s’imposa comme un des vieux piliers de la représentation parlementaire bas-canadienne. De mars 1862 à mai 1863, il remplit le rôle de président de l’Assemblée législative du Canada-Uni. Il mourut à Trois-Rivières le 20 décembre 1864.
Le 15 novembre 1842, Joseph-Édouard Turcotte avait épousé Flore Buteau, fille de François Buteau, de Québec. De leur union naquirent six filles et quatre garçons dont Henri-René-Arthur, député de Trois-Rivières au parlement provincial, et Gustave-Adolphe-Narcisse, député de Nicolet à la chambre des Communes.
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Louisette Pothier, « TURCOTTE, JOSEPH-ÉDOUARD », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 9, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 11 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/turcotte_joseph_edouard_9F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/turcotte_joseph_edouard_9F.html |
Auteur de l'article: | Louisette Pothier |
Titre de l'article: | TURCOTTE, JOSEPH-ÉDOUARD |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 9 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1977 |
Année de la révision: | 1977 |
Date de consultation: | 11 déc. 2024 |