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TAYLOR, sir THOMAS WARDLAW, avocat, auteur et juge, né le 25 mars 1833 à Auchtermuchty, Écosse, fils du révérend John Taylor et de Marion Antill Wardlaw ; le 8 décembre 1858, il épousa Jessie Cameron (décédée en 1863), de Toronto, et ils eurent trois enfants, puis en 1864, Margaret Vallance*, de Hamilton, Haut-Canada, et de ce second mariage naquirent sept enfants ; décédé le 2 mars 1917 à Hamilton.
Fils d’un important ministre du United Associate Synod de l’Église scissionniste d’Écosse, Thomas Wardlaw Taylor grandit dans un presbytère où l’on discutait beaucoup des questions qui divisaient alors l’opinion publique, notamment les relations entre l’Église et l’État. C’est sa mère – femme instruite, fière de ses antécédents loyalistes américains, mais souvent malade – qui s’occupa de son éducation. Elle le fit de façon irrégulière, parfois stimulante, le plus souvent brouillonne. Taylor, très attaché à cette mère protectrice et privé de petits compagnons, prit goût à des activités solitaires telles la marche, la pêche à la ligne et la lecture.
Entré à la University of Edinburgh en 1848, Taylor trouva vite les leçons austères et trop faciles. Il entreprit un stage de droit au cours de sa deuxième année, mais constata bientôt que les exigences du cabinet d’avocat où il se trouvait nuisaient à ses études. Après avoir abandonné son stage, il obtint en 1852 une licence ès arts avec premier prix en grec et deuxième prix en latin.
Dans le courant de la même année, Taylor s’embarqua avec ses parents pour le Haut-Canada, car son père avait accepté un poste de professeur au United Presbyterian Seminary de London et un pastorat. Comme on lui avait conseillé de renoncer à faire du droit dans le Haut-Canada et d’opter plutôt pour l’agriculture, le jeune homme de 19 ans se trouva une place d’aide-surveillant dans une ferme prospère du canton de South Dumfries, celle de Robert Christie, père de David*. L’été suivant, il acheta près de Barrie un lot de 230 acres où il restait beaucoup de défrichage à faire. L’isolement, les manières frustes de ses voisins, le dur labeur, l’absence d’aide digne de confiance le forcèrent à concéder que la vie de pionnier n’était « tout simplement pas [sa] vocation ». À la revente de la ferme, en 1855, il vivait à Toronto chez son père, devenu veuf, et s’était remis à l’étude du droit.
Admis en 1855 comme étudiant par la Law Society of Upper Canada, Taylor fit son stage à Toronto chez Secker Brough. Prêt à accepter de lourdes responsabilités et à prendre des initiatives, il en vint à s’occuper d’une bonne partie des affaires courantes du cabinet, chose inhabituelle pour un clerc. Taylor apprenait le droit avec sérieux et conçut ce qu’il appelait « une prédilection maniaque pour les subtilités des temps anciens ». Une maîtrise ès arts terminée à la University of Toronto en 1856 renforça peut-être sa tendance à l’érudition. Sa présence aux audiences de la Cour de la chancellerie le fit remarquer du chancelier, William Hume Blake*. En 1858, lorsqu’il fut admis au barreau, il avait déjà une connaissance impressionnante des rouages et de la mission de ce tribunal.
Taylor ne fut pas un avocat stable en pratique privée. En huit ans, il appartint à six cabinets différents et ne resta jamais plus d’un an dans aucun ; pendant deux périodes, il exerça seul. L’equity était sa spécialité. Selon un biographe, il avait le tempérament vif, était extrêmement consciencieux et prenait mal la critique. La fonction qu’il convoitait le plus, laissa-t-il entendre à son père, était celle de maître de la Cour de la chancellerie parce qu’elle lui permettrait d’échapper aux petites tracasseries de la pratique privée.
Malgré les réformes de Blake, la Cour de la chancellerie demeurait impopulaire. On la disait mal administrée par un « adepte des sinécures », Andrew Norton Buell*, et sa procédure restait un mystère pour beaucoup de gens. En 1860, Taylor publia un livre écrit à la hâte où il expliquait cette procédure Orders of the Court of Chancery. La parution d’une édition augmentée en 1863 en fit une autorité en la matière dans le Haut-Canada. La même année, sa femme, Jessie Cameron, mourut, le laissant seul avec trois jeunes enfants. L’année suivante, il épousa Margaret Vallance ; comme c’était une maîtresse de maison accomplie, il pouvait s’astreindre à un horaire de travail épuisant, interrompu à l’occasion par de la lecture et du yachting.
En 1866, Taylor fut appelé à participer à la rationalisation du système de comptabilité des créances du tribunal ; sa connaissance de la tenue de livres et des questions financières se révéla alors utile. Ensuite, on le nomma secrétaire du juge ; cette toute nouvelle fonction consistait à entendre les motions, à décider si elles étaient recevables ou non et à rédiger les jugements et ordonnances nécessaires. On lui demanda également de réviser et de refondre son livre en vue d’une troisième édition. Après qu’il eut été nommé en plus, en 1867, arbitre en vertu de l’Acte pour assurer les titres aux immeubles dans le Haut-Canada, un des vice-chanceliers du tribunal, Oliver Mowat*, lui suggéra d’écrire un ouvrage sur la rédaction des actes translatifs de propriété. Dès 1869, The investigation of titles to estates in fee simple était achevé.
Taylor suscitait parfois du ressentiment chez ses pairs. L’auteur d’une lettre à l’Evening Telegram de Toronto l’ayant traité de « petit clerc suffisant » qui se donnait « des airs de juge » et adorait « débouter les requêtes », on se mit à surveiller ses moindres faits et gestes. Le 21 février 1871, après une autre réorganisation de la Cour de la chancellerie, il fut nommé arbitre des référés ; ses fonctions et son mandat étaient mieux définis qu’auparavant. Le 16 décembre 1872, le premier ministre Mowat le promut maître. Quatre ans plus tard, il reçut le titre de conseiller de la reine.
Sa situation étant assurée, Taylor trouva le temps de publier en 1875 Commentaries on equity jurisprudence, founded on Story. Puis, en collaboration avec un jeune et brillant avocat, John Skirving Ewart*, il mit en chantier une version annotée de la loi ontarienne de judicature de 1881 qui parut la même année. Malgré une surcharge de travail, il réussit à la fois à accélérer les travaux du tribunal et à gagner la confiance de la profession.
Influent laïque presbytérien, Taylor avait aidé son père à fonder la congrégation presbytérienne unie Gould Street à Toronto ; il y fut par la suite conseiller presbytéral, secrétaire du tribunal ecclésiastique et délégué au consistoire. En tant que membre du conseil du Knox College et du conseil universitaire de la University of Toronto, il s’intéressa vivement aux études supérieures. En 1879, comme son Église lui demandait de plus en plus souvent des avis juridiques, il publia la première édition d’un ouvrage intitulé The public statutes relating to the Presbyterian Church in Canada.
Quand un siège de juge puîné à la Cour du banc de la reine du Manitoba se libéra à la suite de la mort du juge en chef Edmund Burke Wood*, le barreau manitobain, qui voulait un avocat d’equity et dont les membres connaissaient la compétence de Taylor, pressa le gouvernement conservateur d’Ottawa de le nommer. Son assermentation eut lieu le 30 janvier 1883. Le tribunal avait accumulé un énorme retard parce qu’il avait tenu des audiences de façon irrégulière. Pour corriger la situation, Taylor siégea tous les jours, sauf le dimanche, soirées comprises, ce qui accrut sa réputation de rapidité et d’efficacité. Quiconque avait, dans son tribunal, une conduite malséante ou contraire aux règles professionnelles se faisait réprimander promptement. Ses pairs de la magistrature le reconnaissaient comme une autorité dans plusieurs secteurs du droit et comme un homme infatigable, et sa charge de travail continuait d’être lourde ; la maladie, la négligence, l’âge ou le décès des autres juges aggravaient la situation.
En 1885, Taylor délaissa ses fonctions habituelles pour présider la commission royale d’enquête sur les lois municipales du Manitoba. À l’automne de la même année, le pays tout entier se tourna vers la Cour du banc de la reine, devant laquelle le chef métis Louis Riel* en appelait de la sentence de mort d’un tribunal de Regina. Forcée de débroussailler des questions constitutionnelles ayant trait à la juridiction des tribunaux dans les Territoires du Nord-Ouest et à la conduite du procès, la cour réunie au grand complet s’appuya surtout sur le jugement de Taylor pour refuser à Riel l’autorisation d’interjeter appel. Le comité judiciaire du Conseil privé maintiendrait cette décision.
Le 22 octobre 1887, à l’âge de 54 ans, Taylor accéda au siège de juge en chef ; il en démissionnerait en 1899, à l’âge de 66 ans. Cette promotion et, deux ans plus tôt, l’arrivée d’un collègue compétent, Albert Clements Killam*, le libérèrent de la rédaction de la plupart des jugements les plus lourds de conséquences. Dans Barrett c. la municipalité de Winnipeg [V. John Kelly Barrett*], il se rangea du côté de la majorité et rejeta l’argument selon lequel le Public Schools Act of 1890 était inconstitutionnel. Dans cette affaire comme dans d’autres qui furent portées devant le comité judiciaire, Taylor éprouva un plaisir immense à voir son verdict confirmé.
Digne et réservé en public, Taylor avait une vie familiale heureuse. Membre de l’église presbytérienne Knox, il fut président du conseil du collège de Manitoba. Toutefois, il refusa obstinément une place au conseil de l’université de Manitoba parce qu’il avait des différends avec le chancelier, Robert Machray*, archevêque de la terre de Rupert. En tant que juge en chef, il agit comme administrateur de la province en 1890 et en 1893. Seul responsable en 1886–1887 d’une commission royale d’enquête sur les agissements du juge Jeremiah Travis, magistrat rémunéré à Calgary, il s’en était fait un ennemi en concluant que Travis avait été imprudent et en recommandant sa destitution. La présidence de la commission d’enquête sur l’administration de la discipline par le recteur et les conseils de la University of Toronto, qu’il accepta en 1895 à la demande expresse de Mowat, ne fut pas une expérience plus agréable. Le rapport, tout à fait favorable aux autorités universitaires, et notamment au recteur James Loudon, lui déplut par sa teneur politique. En 1897, à l’occasion du jubilé de diamant de la reine Victoria, Taylor figura au nombre de ceux qui reçurent le titre de chevalier.
Retiré à Toronto en 1899, Taylor reçut des éloges bien sentis de la part de ses collègues. Modèle de tolérance et d’impartialité, plein d’égards et de retenue comme devait l’être un gentleman, il avait mené ses procès avec sérieux en décourageant les avocats d’utiliser ce qu’il appelait des « paroles dorées ». Parfois critiqué pour la légèreté de ses sentences criminelles, Taylor, par des jugements clairs quoique rarement exceptionnels, tentait d’interpréter la loi simplement, et non de la changer radicalement. Ses pairs canadiens étaient nombreux à pratiquer ce conservatisme.
Taylor eut une retraite active. Après avoir été président de la Permanent Mortgage and Trusts Company, il devint membre du conseil d’administration de l’entreprise qui absorba cette société en 1897, la Central Canada Loan and Savings Company of Ontario. Il appartint à une commission provinciale qui compila les lois impériales alors en vigueur en Ontario et les publia en annexe aux statuts révisés. Après la mort de l’un de ses plus chers amis, John Mark King*, directeur du collège de Manitoba, Taylor édita un manuscrit qui parut sous le titre de The theology of Christ’s teaching. Le dernier ouvrage qu’il publia pour son Église s’intitulait Historical sketch of Saint James Square Presbyterian congregation, Toronto, 1853–1903.
Installé à Hamilton en 1906, sir Thomas Wardlaw Taylor fut élu à la présidence de la Citizens League de Hamilton et fit campagne en vain durant trois ans pour l’élimination des jeux de hasard, de la prostitution et du commerce de l’alcool. En 1913, à l’occasion de la controverse entre presbytériens au sujet de l’unification des Églises, il entra au comité national de préservation de l’Église presbytérienne. Il resta farouchement opposé à l’union jusqu’à ce qu’une pneumonie l’emporte en 1917. L’avenue Wardlaw de Winnipeg, baptisée en son honneur, et un portrait commandé par la Société légale de Manitoba rappellent sa carrière dans la province. Il laissa à ses héritiers une succession de 57 000 $ ; c’était le solde d’une vie bien rangée.
Sir Thomas Wardlaw Taylor a rédigé Orders of the Court of Chancery for Upper Canada, with notes (Toronto, 1860) ; la deuxième édition de cet ouvrage a été publiée sous le titre The orders of the Court of Chancery for Upper Canada, and of the Court of Error and Appeal ; with the provincial statutes relating to the practice of these courts, notes and forms (Toronto, 1863) ; la troisième édition avait pour titre The statutes and orders relating to the practice and Jurisdiction of the Court of Chancery ; and of the Court of Error and Appeal, with notes (Toronto, 1868). En outre, Taylor est l’auteur des ouvrages suivants : The investigation of titles to estates in fee simple (Toronto, 1869 ; 2e éd., 1873) ; Commentaries on equity jurisprudence, founded on Story (Toronto, 1875) ; The public statutes relating to the Presbyterian Church in Canada : with acts and resolutions of the General Assembly, and by-laws for the government of the colleges and schemes of the church (Toronto, 1879 ; 2e éd., Winnipeg, 1897) ; et Historical sketch of Saint James Square Presbyterian Congregation, Toronto, 1853–1903 (Toronto, [1903]). En collaboration avec J. S. Ewart, il a écrit The Judicature Act and rules, 1881, and other statutes and orders relating to the practice of the Supreme Court of Judicature for Ontario, with notes (Toronto, 1881).
AN, MG 26, A : 77444 ; MG 30, E484.— AO, F 23, MU 475 ; RG 22-205, no 9874 ; RG 80-27-2, 66 : 26.— Arch. du Barreau du Haut-Canada (Toronto), 1–5 (Convocation, rolls), barristers’ roll ; T. W. Taylor, « A sketch of the life of Sir Thomas Wardlaw Taylor by his son » (texte dactylographié).— UTA, A70-0005/002, mai 1873 ; P87-0046, 1856.— Globe, 12 sept. 1866, 3 mars 1917.— Hamilton Spectator 18 déc. 1907, 15 févr. 1908, 6 mars 1909.— Manitoba Free Press, 1883–1899.— Hany Shave, « A judge who performed outstanding service : the story of Wardlaw Avenue », Winnipeg Free Press, 24 avril 1965 : 23.— J. D. Blackwell, « William Hume Blake and the judicature acts of 1849 : the process of legal reformt mid-century in Upper Canada », dans Essays in the history of Canadian law, D. H. Flaherty et al., édit. (7 vol. parus, Toronto, 1981 ), 1 : 132–174.— Canadian annual rev. (Hopkins), 1900–1917.— The Canadian law list (Toronto), 1890–1917.— Canadian men and women of the time (Morgan ; 1898 et 1912).— Dale et Lee Gibson, Substantial justice ; law and lawyers in Manitoba, 1670–1970 (Winnipeg, 1972).— Manitoba Reports (Winnipeg), 1887–1895.— Ontario, Commission on discipline in the Univ. of Toronto, Report (Toronto, 1895).— Pioneers of Manitoba (Morley et al.).— Political appointments, parliaments, and the judicial bench in the Dominion of Canada, 1867 to 1895, N.-O. Coté, édit. (Ottawa, 1896).— Paul Romney, Mr Attorney : the attorney general for Ontario in court, cabinet and legislature, 1791–1899 (Toronto, 1986).— Standard dict. of Canadian biog. (Roberts et Tunnell).— M. C. Thomson, The colonial ancestry of the honourable Sir Thomas Wardlaw Taylor [...] chief justice of the province of Manitoba, 1887–1899 (Dumfries, Écosse, 1937).— Univ. of Toronto, Reg., 1873 (exemplaire conservé aux UTA).— R. A. Willie, « These legal gentlemen » : becoming prominent in Manitoba, 1870–1900 » (thèse de ph.d., Univ. of Alberta, Edmonton, 1989).
Richard A. Willie, « TAYLOR, sir THOMAS WARDLAW », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 2 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/taylor_thomas_wardlaw_14F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/taylor_thomas_wardlaw_14F.html |
Auteur de l'article: | Richard A. Willie |
Titre de l'article: | TAYLOR, sir THOMAS WARDLAW |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1998 |
Année de la révision: | 1998 |
Date de consultation: | 2 déc. 2024 |