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Titre original :  James Laughlin Hughes. From: Commemorative biographical record of the county of York, Ontario: containing biographical sketches of prominent and representative citizens and many of the early settled families by J.H. Beers & Co, 1907. https://archive.org/details/recordcountyyork00beeruoft/page/n4

Provenance : Lien

HUGHES, JAMES LAUGHLIN, conférencier, éducateur, inspecteur d’écoles et auteur, né le 20 février 1846 près de Bowmanville, Haut-Canada, fils de John Hughes et de Caroline Laughlin ; en 1870, il épousa Annie Agnes Sutherland (1850–1884), et ils eurent deux fils et deux filles, dont un fils et une fille qui moururent avant lui, puis en 1885, à Toronto, Adaline Augusta Marean (décédée le 24 décembre 1929), et ils eurent une fille, Laura Caroline*, et un fils qui mourut avant lui, et finalement le 24 octobre 1930, dans cette ville, Estella Rounding ; décédé le 3 janvier 1935 au même endroit.

Le père de James Laughlin Hughes émigra du comté de Tyrone (Irlande du Nord) vers le comté de Durham au Haut-Canada. Sa mère était la fille d’un officier de l’artillerie britannique en poste au Bas-Canada. James Laughlin était l’aîné de 11 enfants, dont plusieurs, notamment Samuel*, son frère cadet, mèneraient une carrière remarquable dans le service public. Alors que les parents cultivaient la terre et que le père enseignait occasionnellement à l’école, le jeune James Laughlin vagabondait pendant des heures dans la campagne. Selon lui, ces jours « glorieux » passés dans la nature lui octroyèrent une expérience inégalable. Il dirait à Lorne Albert Pierce*, éditeur en chef de la maison Ryerson Press et auteur de sa biographie, qu’« un garçon qui est parfaitement libre jusqu’à l’âge de six ans, et qui a un ruisseau et un bois à sa disposition, a les meilleures chances de se développer physiquement, intellectuellement et spirituellement à la perfection ».

Méthodiste pratiquant, Hughes commença dès l’âge de 11 ans à parler publiquement lors d’événements parrainés par des organismes de tempérance et des sociétés littéraires. Ces premières tentatives ne se firent pas aisément : il expliqua à Pierce qu’il était « un garçon terriblement timide », qui « [marchait] à travers bois pour éviter de croiser un homme ou une femme ». Son succès aux concours d’épellation locaux, dont un qui l’opposait à des adultes, surprit le jeune Hughes : « [Cela fut] une des plus importantes époques de mon développement, affirmerait-il. J’avais besoin de prendre confiance en moi-même, et je sais combien j’étais heureux quand je me mesurais à des hommes et que je gagnais. » Il améliora son talent oratoire naissant en conduisant la charrue, peaufina son argumentation en travaillant aux champs et déclama devant nul autre que ses chevaux pendant des heures.

À l’âge de 12 ans, Hughes passa un examen pour obtenir un brevet d’enseignement de seconde classe ; il termina sa scolarité deux ans plus tard. Il travailla dans la ferme familiale jusqu’à ce qu’il accepte un contrat de six mois pour enseigner dans la section scolaire no 10 du canton de Hope ; il avait 17 ans. Pris de passion pour le métier, Hughes s’inscrivit à la Normal School de Toronto, dirigée par Thomas Jaffray Robertson*. Il obtint en 1866 un brevet de première classe : non seulement il devenait ainsi un enseignant plus intéressant à embaucher, mais pourrait gagner un meilleur salaire et occuper des postes de direction. Par la suite, il fit la classe pendant une courte période à Frankford, localité au bord de la rivière Trent.

On n’oubliait pas facilement une telle personnalité : meneur imposant et charismatique, Hughes était intelligent, athlétique, grand et remarquablement beau. Dans une histoire du conseil scolaire de Toronto écrite en 1950, on le décrit comme « impudent, prétentieux, souvent impoli et véhément ; mais […] aussi plein d’entrain et amusant, généreux, ardemment loyal, et toujours prêt à lutter pour de nombreuses bonnes causes ». Le romancier Robert Barr* en dresse un portrait similaire dans The measure of the rule, où il l’immortalise sous les traits de l’instituteur fictif John Brent. Le jeune enseignant gravit rapidement les échelons du système d’éducation. Invité à se joindre au personnel de la Toronto Model School, il quitta Frankford en 1867. Quatre ans plus tard, il dirigeait la section des garçons. En 1874, le Toronto Public School Board le nomma inspecteur des écoles publiques, son plus haut poste administratif. Hughes n’avait que 29 ans. Il avait trouvé sa vocation : il s’y consacrerait et poursuivrait ses objectifs durant près de 40 ans.

Au cours de la carrière de Hughes, les écoles de Toronto connurent une transformation radicale. Il y avait des changements dans l’air et Hughes, comme beaucoup d’autres, se voyait attiré par les courants de réforme qui promettaient un enrichissement tant social qu’éducatif. En améliorant la place des enfants dans la société, faisait-on valoir, on ferait grand bien à toute l’humanité, en particulier aux masses enlisées dans la pauvreté, l’immoralité et l’ignorance causées par l’industrialisation, l’urbanisation et l’immigration. La religion façonna aussi l’approche de Hughes, notamment sa grande foi dans sa capacité à servir Dieu à titre d’éducateur. Il croyait que les enfants, créés à l’image du Seigneur, possédaient une prédisposition naturelle à la bonté. Cette attitude l’opposa à ceux qui pensaient que les plus jeunes portaient la tache du péché originel et que les adultes devaient les maîtriser. À l’instar d’autres promoteurs du mouvement pour « la nouvelle éducation », Hughes plaçait les enfants au centre du processus éducatif. Comme il l’expliquerait à Pierce en 1924 : « Si le pouvoir de l’enfant est utilisé dans le cadre d’une activité créatrice personnelle à des fins justes, il élèvera progressivement l’enfant vers le Divin. » Hughes voulait que les élèves deviennent des acteurs de leur apprentissage, et non de simples récepteurs passifs d’information, et disait aux enseignants novices : « L’enfant est le pouvoir ; le savoir n’est pas le pouvoir. »

L’implantation des écoles maternelles à Toronto constitua peut-être la principale réussite de Hughes dans le domaine du développement de l’enfant. Avant le début des années 1880, il développa une fascination pour les travaux de l’éducateur allemand Friedrich Wilhelm August Froebel, qui croyait que les enfants devraient pouvoir choisir et diriger une grande partie de leurs propres activités pendant leur formation scolaire. Une visite à Boston, au cours de sa première année comme inspecteur, avait renforcé son intérêt pour le mouvement des écoles maternelles, dont il se révéla bientôt l’un des plus fervents partisans nord-américains. En 1883, Toronto devint la deuxième ville en Amérique du Nord (après Saint Louis, au Missouri) à intégrer la maternelle dans son système scolaire public. Hughes partagea cette réussite avec Adaline Augusta (Ada) Marean, première enseignante au préscolaire de la ville ; ils se marièrent deux ans plus tard.

L’intérêt de Hughes pour Froebel dépassa de loin la seule question de la maternelle. Dans les années 1890, on le considérait déjà comme un expert des théories de l’Européen. À la demande de William Torrey Harris, éducateur américain estimé, Hughes rédigea ce qui deviendrait Froebel’s educational laws for all teachers. Publié en 1897, le livre montre comment les éducateurs peuvent, dans leur travail, mettre en pratique les idées plus ésotériques et mystiques du théoricien. Selon Froebel, les enfants tirent leur « puissance » morale, physique et intellectuelle principalement de leurs jeux libres ; Hughes expliqua aux enseignants comment favoriser de telles activités. Pour l’essentiel, l’instituteur devrait rester à l’écart, écrit-il, car « il n’y a rien de plus morne qu’un jeu auquel des enfants jouent sans s’y intéresser réellement ». L’enseignant devrait intervenir seulement au moment où « le joyeux intérêt [commence] à décroître », « pour susciter l’intérêt [de l’élève] moins enthousiaste [et] encourager le timide à entreprendre de nouvelles tâches et à occuper de nouvelles fonctions, parfois en lui assignant avec habileté un rôle de meneur […] et louer les efforts déployés pour réussir plus encore que le succès lui-même ». L’influence de Froebel se manifesta dans bon nombre des grandes réformes qu’introduisit Hughes durant sa longue carrière. Il fit campagne pour l’interdiction des châtiments corporels (après les avoir initialement appuyés) – pratique qu’il qualifia dans la biographie de Pierce de « pire moyen possible pour traiter les défauts intellectuels ou la délinquance morale » – et pour l’abolition des examens de passage. Il instaura également un programme structuré d’étude des arts afin de fournir aux élèves une éducation complète. Même si les arts se trouvaient déjà au curriculum, on les enseignait de façon irrégulière. Hughes plaida pour qu’on forme adéquatement les enseignants en ces matières ; comme l’écrirait l’éducateur Bruce Northleigh Carter, il croyait que les cours de musique, par exemple, devraient être donnés « par le titulaire de classe, appuyé par un enseignant en musique à temps plein dont le travail [consisterait] à la fois à former l’instituteur et à enseigner aux enfants ». Hughes promouvait aussi la formation manuelle avec ferveur ; celle-ci comprenait selon lui toute activité scolaire où les enfants construisaient quelque chose en utilisant des outils de base et des matériaux tels que le bois, l’argile ou le papier. Les filles plus âgées apprendraient la cuisine et la couture, et leurs homologues masculins le travail du bois. Les titulaires de classe aideraient les plus jeunes enfants, et d’autres enseignants auraient une formation spéciale pour les élèves des niveaux supérieurs. Idéalement, les élèves s’instruiraient par l’expérience et l’exploration, et non seulement dans les livres ; la méthode combinait élégamment les avantages que Hughes avait tirés de sa propre enfance et le concept d’activité personnelle de Froebel.

Hughes effectua des changements progressistes à l’approche pédagogique dans les écoles de Toronto. Il introduisit également d’importantes réformes administratives. Il remplaça le regroupement au hasard des élèves par des classes réparties selon l’âge et le niveau, inaugura des écoles modèles offrant une formation normalisée aux enseignants, et imposa l’usage des mêmes manuels dans tous les établissements de la ville. Il travailla sans relâche pour centraliser l’administration par l’entremise de son bureau d’inspecteur (il deviendrait inspecteur en chef en 1906), tout en s’efforçant de limiter les pouvoirs des commissaires élus, qu’il accusait d’ingérence et d’inexpérience. Hughes organisa une bureaucratie de l’éducation à Toronto qui centralisa le pouvoir, standardisa les pratiques (par exemple, l’habitude des activités spéciales en début de journée), et confia aux enseignants des matières dans lesquelles ils se spécialisaient. Ces réformes suscitèrent régulièrement la controverse et Hughes rencontra de l’opposition tout au long de sa carrière comme inspecteur, en partie parce que de nombreuses personnes abhorraient l’idée que les enfants soient au centre de l’éducation, ce qui selon elles représentait un affront à l’autorité des adultes. Cependant, Hughes ne voulut jamais octroyer aux enfants une liberté sans limites. Il pensait que les enseignants devaient superviser le développement de leurs aptitudes et trouver « le canal par lequel le courant pourrait passer ».

À l’extérieur des écoles publiques, Hughes parvint à implanter à Toronto le concept des écoles industrielles, visant à éduquer les élèves absentéistes et les enfants des rues, et à les soumettre à l’autorité [V. Frances Esther How*]. Comme sa femme Ada et John Joseph Kelso de la Children’s Aid Society, Hughes, à l’instar d’autres réformateurs sociaux, croyait que des activités récréatives saines pouvaient aider à élever et à contrôler la classe ouvrière urbaine. À cette fin, Kelso et lui fondèrent la Toronto Playgrounds Association en 1907–1908.

Hughes favorisait également le mouvement des cadets à l’école. L’exercice et l’activité faisaient partie de la philosophie froebelienne ; l’enthousiasme de Hughes pour la formation des cadets ne provenait toutefois pas de ces seuls principes pédagogiques. Il avait personnellement de forts liens avec le domaine militaire. Ses grands-pères paternel et maternel avaient combattu dans des camps opposés pendant la bataille de Waterloo. Trois de ses frères servirent dans les forces armées canadiennes : plus particulièrement son jeune frère Samuel, ministre conservateur de la Milice et de la Défense dans le gouvernement de sir Robert Laird Borden, mais aussi John, major général, et William St Pierre, brigadier général. Comme ces deux derniers, son neveu Garnet Burk, major général, appartenait à la classe des officiers hauts gradés. Le fils de Hughes, le lieutenant Chester Hughes, mourut au combat durant la Première Guerre mondiale.

Pendant environ dix ans après sa nomination comme inspecteur, Hughes se concentra sur ses responsabilités personnelles, professionnelles et civiques. Dans sa biographie, Pierce relate une tentative, peut-être survenue durant cette période, pour l’attirer en politique municipale : un groupe de crieurs de journaux, mus par sa courtoisie à leur égard, essayèrent à son insu de le faire élire maire. Hughes, conservateur et ardent orangiste, se sentit touché, mais ne se laissa pas convaincre. Il resta à l’écart de l’arène politique jusqu’au milieu des années 1880, moment où la question des écoles séparées, affaire historique difficile pour les catholiques et les francophones, se changea graduellement en controverse. Pendant la campagne pour les élections provinciales de 1886, il partit en tournée pour appuyer le chef conservateur William Ralph Meredith* et passa une bonne partie de son temps à attaquer le ministre libéral de l’Éducation, George William Ross*. Il critiquait le ministre depuis au moins 1884, soit depuis l’intervention de Ross dans la question de l’instruction religieuse dans les écoles. Il fut outré lorsque, par la suite, le gouvernement accorda aux commissaires des écoles séparées des pouvoirs semblables à ceux des commissaires des écoles publiques. Voyant dans ces mesures un complot fomenté par la hiérarchie catholique à Rome, Hughes reprocha à Ross, dans l’Evening Telegram du 27 novembre 1886, d’avoir échoué à freiner « l’agression des catholiques et leur ingérence indue dans les écoles publiques ». Le 20 décembre au soir, huit jours avant la fermeture des bureaux de vote, les deux hommes se rencontrèrent à Strathroy pour un débat de sept heures. Selon Carter, ils « formaient un duo dynamique ». Toutefois, l’affrontement sans précédent entre le ministre provincial de l’Éducation et l’inspecteur des écoles de Toronto eut peu d’influence : on réélut le gouvernement d’Oliver Mowat* avec, encore une fois, la majorité.

Après la sanction de l’Acte relatif au règlement de la question des biens des jésuites en 1888, on forma à Toronto l’Equal Rights Association [V. William Caven* ; D’Alton McCarthy*] pour protester contre ce que l’on percevait comme des privilèges accordés aux catholiques et aux nationalistes canadiens-français ; Hughes appuya l’association. L’année suivante, dans une lettre ouverte à Meredith, il mit en garde la province contre « la propagation de l’ignorance et de la superstition provenant [de la province de] Québec » : « Nous devrions accueillir les Français, tout en établissant d’une manière des plus décisives que leurs enfants doivent être éduqués comme des Canadiens du xixe siècle, et non comme des Français d’il y a trois siècles. »

Deux ans plus tard, Hughes se lança lui-même dans l’arène. Il se présenta sous l’étiquette conservatrice contre le libéral Kenneth Chisholm* dans le comté de Peel ; le 21 avril 1890, le Toronto Daily Mail, qui l’appuyait, le décrivit comme « un homme de l’Equal Rights [Association], inchangé et inchangeable ». Il perdit l’élection, mais garda Ross dans sa mire. Durant la campagne, il avait défié le ministre de débattre sur ce qui, selon lui, menaçait l’éducation en Ontario. Il « demanda l’abolition des écoles séparées » et loua « la courageuse bataille » menée contre le système par le premier ministre du Manitoba, Thomas Greenway*. (Ce conflit se réglerait finalement par un compromis entre Greenway et le libéral Wilfrid Laurier*, nouveau premier ministre du Canada.) Hughes méprisait le « romanisme », qu’il avait défini, dans le Toronto Daily Mail du 6 mars 1889, comme « une organisation politique » équivalente d’un « gouvernement […] par l’Église et pour l’Église ».

Hughes éprouvait de l’aversion pour l’ultramontanisme et pour son influence au Québec. Il soutenait cependant n’entretenir aucune animosité à l’égard des catholiques en tant que personnes et commença à adopter une vision plus modérée des écoles séparées. En 1896, il appuya les conservateurs de sir Mackenzie Bowell* contre les partisans de D’Alton McCarthy, que Hughes considérait comme « un homme politique purement égoïste ». Malgré sa position de grand maître de l’Ontario West dans l’ordre d’Orange, il défendit les droits de la minorité francophone au Manitoba. Dans le World de Toronto du 1er janvier 1896, il déclara : « Souvenez-vous que le principe central de l’orangisme est la justice, et qu’un orangiste qui refuse de traiter les catholiques exactement comme il voudrait que les protestants soient traités est lâche et infidèle. » Sa position irrita d’autres orangistes, mais il continua sur la même voie. En 1922, il prépara un rapport favorable aux écoles publiques bilingues à Ottawa pour la Unity League of Ontario, groupe de défenseurs protestants des Franco-Ontariens cofondé par Napoléon-Antoine Belcourt. L’association visait notamment l’abrogation du Règlement 17 ; présentée en 1912 à la suite d’un rapport de l’ancien inspecteur en chef des écoles publiques et séparées, Francis Walter Merchant, cette mesure limitait l’utilisation du français comme langue d’enseignement dans les écoles ontariennes.

Après sa défaite électorale, Hughes continua à s’engager dans les affaires civiques et s’intéressa notamment au suffrage féminin. En 1891, on l’élut président de la section torontoise de la Dominion Women’s Enfranchisement Association (ultérieurement renommée la Canadian Suffrage Association), dirigée par Emily Howard Stowe [Jennings*], puis, après sa mort, par sa fille, la docteure Ann Augusta Stowe* Gullen. Dans un court livre publié quatre ans plus tard, Equal suffrage, Hughes, s’appuyant sur la Bible et sur le point de vue des autorités de l’Église, plaida en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes et, par conséquent, du droit des premières de voter comme les seconds. Il soutenait aussi que « l’esclavage fondé sur le sexe [était] plus injustifiable que l’esclavage fondé sur la race ou la classe, et [que] l’émancipation complète des femmes [serait] un plus grand triomphe pour la justice, la vérité et la liberté que l’affranchissement de n’importe quelle autre race ou classe dans l’histoire du monde ».

Hughes annonça sa retraite du poste d’inspecteur en chef des écoles de Toronto en 1912, année où la McMaster University lui décerna un doctorat honorifique en droit. Il occupa ses fonctions jusqu’à ce que Robert Henry Cowley le remplace en 1913. Parmi ses maintes réalisations, Hughes comptait l’énorme croissance du système scolaire de Toronto : en quatre décennies, le nombre d’enseignants avait grimpé de 68 à 1 100, et le nombre d’élèves de 5 000 à 45 000. Au fil des ans, on lui avait offert plusieurs postes à l’extérieur de Toronto, notamment celui de surintendant en chef des écoles de l’Île-du-Prince-Édouard et celui de rédacteur en chef adjoint du Sunday School Times de Philadelphie ; Hughes les refusa tous. Il avait dédié sa carrière aux écoles publiques de Toronto et désirait poursuivre sa tâche, comme il l’expliqua à Pierce, jusqu’à ce que « certaines réformes se concrétisent ».

Tout au long de sa vie, Hughes fit partie de nombreux clubs et s’engagea dans différentes causes. La retraite lui laisserait beaucoup de temps pour se consacrer à ces autres activités. Durant sa jeunesse, il avait joué pour le Toronto Lacrosse Club avec son frère Samuel et le futur général William Dillon Otter*, et écrit les paroles de LaCrosse, our national game, dont Henry Francis Sefton* avait composé la musique. En 1875, Hughes et ses coéquipiers de Toronto remportèrent le championnat du dominion contre les Shamrocks de Montréal ; il présiderait le club, ainsi que plusieurs autres associations sportives. Hughes fit aussi partie des membres fondateurs du Toronto Astronomical Club ; créé en 1868, celui-ci deviendrait la Société royale d’astronomie du Canada. Il fut maître de comté et grand maître suppléant de diverses loges dans l’ordre d’Orange, et maçon et maître de la St Andrew’s Lodge. De plus, Hughes exerça des fonctions au sein de sociétés et de conseils religieux : par exemple, la présidence de l’Irish Protestant Benevolent Society, la direction de l’école du dimanche de l’église méthodiste Queen Street, et d’autres postes de premier plan dans des associations d’écoles du dimanche de la région.

Ada, deuxième femme de Hughes, contribua grandement au développement des maternelles ; elle mourut le 24 décembre 1929. Hughes ne tarda pas ensuite à épouser Estella Rounding, de 49 ans sa cadette. Dans sa vieillesse, il sembla se contenter de continuer à écrire abondamment et de parfaire son talent d’orateur, qui lui avait apporté la renommée. Au cours de ses deux dernières années, il souffrit d’urémie causée par une néphrite interstitielle chronique. Il s’éteignit peu après une chute dans sa maison, qui l’avait encore plus affaibli.

James Laughlin Hughes signa au moins 29 livres, dont 8 recueils de poésie, et maints articles sur la pédagogie et d’autres sujets. À l’annonce de la retraite de Hughes, le Toronto Star Weekly publia un hommage où on le qualifiait d’« homme aux multiples facettes ». La formule faisait probablement référence aux nombreux champs d’intérêts et de compétences de Hughes : auteur prolifique, il était de plus, notamment, éducateur, réformateur, homme politique et orateur. Toutefois, elle évoquait sans doute aussi sa capacité à renverser les stéréotypes : progressiste en éducation et conservateur en politique ; bienfaiteur du mouvement des cadets désireux d’interdire les châtiments corporels dans les écoles de Toronto ; un des rares orangistes d’abord opposé aux écoles catholiques, puis partisan de la United League of Ontario dans sa promotion de l’éducation bilingue. Les contradictions de Hughes se comptaient, semble-t-il, en aussi grand nombre que les aspects de sa personnalité.

Jason Ellis

Il n’existe aucune collection rassemblant les papiers de James Laughlin Hughes ni aucune liste exhaustive de ses publications. La bibliographie la plus détaillée, comportant 12 pages, se trouve dans B. N. Carter, « James L. Hughes and the gospel of education : a study of the work and thought of a nineteenth century Canadian educator » (thèse de d.ed., Univ. of Toronto, 1966). Auteur prolifique, Hughes a publié maints articles, rapports et livres, principalement sur le thème de l’éducation. Parmi ses plus importants ouvrages figurent : Froebel’s educational laws for all teachers (New York, 1897) ; Mistakes in teaching (2e éd., Toronto, 1880 ; il semble impossible de trouver un exemplaire de la 1ère édition) ; et Dickens as an educator (New York, 1901). Ses rapports notables sont, entre autres, Report on manual training presented to the Toronto Public School Board ([Toronto], 1900), et « Modern tendencies in education » paru dans Ontario Educational Assoc., Proc. of the fifty-second annual convention (Toronto, 1913), 73–92. Hughes a aussi abondamment écrit sur des sujets d’intérêt personnel, dont le suffrage féminin, avec Equal suffrage (Toronto, 1895), le poète Robert Burns, la chiromancie et la phrénologie. La plupart des titres de ses publications se trouvent dans Aurora (catalogue national canadien en ligne de BAC).

Une série autobiographique, sur laquelle s’est fortement appuyé L. A. Pierce, biographe de Hughes, a paru dans le Toronto Star Weekly en 1912 sous le titre « Fifty years of public service in Toronto ». Divers fonds aux AO, aux City of Toronto Arch. et à BAC conservent des lettres et de la correspondance de Hughes. La Lorne and Edith Pierce coll. aux QUA contient de la correspondance notamment entre Hughes et Pierce. Certaines citations dans notre biographie mettent en lumière les idées de Hughes, en particulier sa perception de sa propre personne et de son importance. Le livre de Pierce, Fifty years of public service : a life of James L. Hughes (Toronto, 1924), présente également une bibliographie de titres choisis parmi les textes en prose et les poèmes publiés de Hughes.

AO, RG 80-2-0-89, no 037037 ; RG 80-2-0-122, no 040505 ; RG 80-2-0-173, no 041358 ; RG 80-2-0-414, no 006150 ; RG 80-8-0-1121, no 008770 ; RG 80-8-0-1550, no 001276.— Globe, 9 avril 1890, 25 oct. 1930, 4 janv. 1935.— Toronto Daily Mail, 22 déc. 1886, 6 mars 1889, 21 avril 1890.— Toronto Daily Star, 3 janv. 1935.— Toronto Star Weekly, 17 nov. 1912.— Victoria Warder (Lindsay, Ontario), 28 août 1885.— World (Toronto), 1er janv. 1896.— G. M. Adam, Toronto, old and new : a memorial volume […] (Toronto, 1891 ; réimpr. 1972).— Robert Barr, The measure of the rule (Londres, 1907 ; réimpr. Toronto, 1973).— Canadian album (Cochrane et Hopkins), vol. 1.— Centennial story : the Board of Education for the city of Toronto, 1850–1950, E. A. Hardy et H. M. Cochrane, édit. (Toronto, 1950).— Penney Clark, « “Reckless extravagance and utter incompetence” : George Ross and the Toronto textbook ring, 1883–1907 », Soc. bibliographique du Canada, Cahiers (Toronto), 46 (2008) : 185–236.— Cyclopædia of Canadian biog. (Rose et Charlesworth), vol. 1.— Alexander Fraser, A history of Ontario : its resources and development (2 vol., Toronto et Montréal, 1907), 2.— E. C. Guillet, In the cause of education : centennial history of the Ontario Educational Association, 1861–1960 (Toronto, 1960).— Journal of Education for Ontario (Toronto), 27 (1874) : 70.— E. M. Luke, « Woman suffrage in Canada », Canadian Magazine, 5 (mai–octobre 1895) : 328–336.— J. R. Miller, Equal rights : the Jesuits’ Estates Act controversy (Montréal, 1979).— Ontario, Legislature, Sessional papers, 1892, 1907 (rapports du ministère de l’Éducation, 1891, 1906).— R. M. Stamp, « James L. Hughes : proponent of the new education », dans Profiles of Canadian educators, R. S. Patterson et al., édit. ([Toronto], 1974), 192–212 ; The schools of Ontario, 1876–1976 (Toronto et Buffalo, N.Y., 1982).— Toronto Normal School : 1847–1947 (Toronto, [1947 ?]).— Who’s who and why, 1914.

Bibliographie générale

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Jason Ellis, « HUGHES, JAMES LAUGHLIN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 avril 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/hughes_james_laughlin_16F.html.

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Auteur de l'article:    Jason Ellis
Titre de l'article:    HUGHES, JAMES LAUGHLIN
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2023
Année de la révision:    2023
Date de consultation:    20 avril 2024