ROBINSON, PETER, fonctionnaire, homme d’affaires, trafiquant de fourrures, officier de milice, homme politique et juge de paix, né en 1785 au Nouveau-Brunswick, fils aîné de Christopher Robinson* et d’Esther Sayre, frère de John Beverley* et de William Benjamin* ; il eut au moins un fils et deux filles ; décédé le 8 juillet 1838 à Toronto.
Peter Robinson connut dans son enfance plusieurs déménagements. Il vécut trois ans au Nouveau-Brunswick, quatre ans dans le Bas-Canada et six ans à Kingston, dans le Haut-Canada, avant que sa famille ne s’installe à York (Toronto). C’était en 1798, l’année où mourut son père, Christopher Robinson. Ce loyaliste qui avait été inspecteur général des bois et forêts laissait à sa femme et à ses six enfants une place respectable dans la société d’York, mais malheureusement peu de moyens de la tenir. En 1800, à l’âge de 15 ans, Peter dut entrer comme greffier à la Cour des requêtes du district de Home.
Le remariage d’Esther Robinson à un marchand et spéculateur foncier de York qui ne devait pas tarder à s’installer à Newmarket, Elisha Beman*, en 1802, changea le mode de vie de Peter et le mit sur la voie qu’il devait suivre jusqu’en 1822 : celle des affaires. En 1812, établi à Newmarket, il y fit l’acquisition du premier des moulins qu’il allait, avec ses frères, acheter ou construire pour location ; en 1814, il se mit à acheter des lots au nord du village. Au cours des 18 années suivantes, il devint propriétaire de huit lots le long de la rue Yonge, notamment de l’emplacement de Holland Landing, village qui se forma autour d’un moulin qu’il avait construit. Il fit aussi de nombreux autres investissements : une auberge, un schooner du lac Simcoe, une distillerie et des fermes. Mais surtout, il participa à la traite des fourrures en employant des représentants dans l’arrière-pays et fit du commerce en approvisionnant d’autres trafiquants. Même si la rue Yonge n’était pas un haut lieu de la traite, Robinson profita de la prospérité temporaire que la guerre de 1812 apporta le long du trajet qui menait aux lacs Supérieur, Michigan et Huron par le lac Simcoe. Vers 1825, la Robinson Brothers faisait affaire sur la rivière French. Au total, Peter tirait de ses diverses entreprises un revenu confortable qui, dès 1824, excédait ses besoins personnels.
Au début de la guerre, Robinson avait levé une compagnie de fusiliers au sein du 1st York Militia. Formée d’hommes rompus à la vie dans les bois, cette compagnie rejoignit par voie de terre le major général Isaac Brock* et participa avec lui à la prise de Detroit en août 1812. Robinson était l’un des 13 capitaines qui se trouvaient à York lorsque la ville se rendit aux Américains en avril 1813. L’année suivante, il mit de nouveau à contribution sa connaissance des forêts en aidant le fort Michillimakinac (Mackinac Island, Michigan) à maintenir les communications avec York lorsque l’ennemi bloqua l’île.
Robinson ouvrit à York deux magasins qui, apparemment, fermèrent peu de temps après : l’un avec son beau-frère D’Arcy Boulton fils en 1810, l’autre en 1820. Élu député d’York East en 1816 puis, avec William Warren Baldwin, député de la circonscription d’York and Simcoe en 1820, il passa dès lors plus de temps à York. Partisan loyal du gouvernement, il présida un comité chargé d’étudier la navigation sur le Saint-Laurent et fit rapport sur la réfection et la construction des édifices du Parlement. En 1818, on le mandata juge de paix pour la première fois, dans le district de Home. Cinq ans plus tard, il entra au conseil d’administration de la Bank of Upper Canada, de fondation récente.
Les trois frères Robinson se portaient mutuellement assistance et investissaient parfois ensemble ; Peter et William Benjamin étaient associés en affaires. Au fil des ans, John Beverley, marié, père de famille et haut fonctionnaire, propriétaire d’une maison, assuma de plus en plus le rôle de chef de famille, mais Peter allait rarement jusqu’à suivre les judicieux conseils dont son frère était prodigue. Il était en mesure d’offrir l’argent nécessaire à John Beverley dans l’éventualité où il tenterait de s’établir en Angleterre, mais ce fut ce dernier qui ménagea à Peter l’entrevue qui allait lui ouvrir une nouvelle carrière.
En 1822, Peter se rendit en Angleterre pour la première fois, en touriste, avec John Beverley et sa femme. Au début de l’année suivante, celui-ci le présenta à son ami Robert John Wilmot-Horton, nouveau sous-secrétaire d’État aux Colonies, comme un spécialiste de la colonisation des régions isolées. Malthusien enthousiaste, Wilmot-Horton avait conçu un plan pour amener la paix et la prospérité en Irlande : parrainer l’émigration de milliers de tenanciers dépossédés dont la présence bloquait le progrès agricole. Le gouvernement l’avait autorisé à tenter une modeste expérience dans le Haut-Canada, et Peter Robinson était le surintendant qu’il lui fallait.
Pour mettre son plan à l’essai, Wilmot-Horton choisit la vallée de la rivière Blackwater, dans le comté de Cork, parce qu’il n’y avait pas là de tradition d’émigration et que l’Insurrection Act y était en vigueur. À sa demande, Robinson se rendit dans cette région trois années de suite, au printemps, ce qui permit à tout le moins à Wilmot-Horton de mesurer la tâche que pouvait accomplir un seul examinateur avenant avec l’appui de quelques personnes influentes. Au début, Robinson constata que bien des gens étaient disposés à ne demander, comme aide à l’émigration, que le transport. Deux ans plus tard, les émigrants potentiels avaient besoin de parrainage même pour s’inscrire sur une liste. Assailli de demandes dans chaque village, Robinson consigna qu’environ 50 000 personnes se disputaient 2 000 places. Finalement, en 1825, au terme d’un tri difficile, il put conclure avec satisfaction que ses candidats constituaient « une meilleure sorte de gens que ceux qui [étaient] partis en [18]23, malgré leur terrible pauvreté » – le dénuement était l’un des critères absolus de Wilmot-Horton. En 1823, Robinson avait quitté le comté de Cork avec 568 personnes pour gagner Lanark et les établissements militaires du district haut-canadien de Bathurst. En 1824, on différa le départ d’un deuxième groupe, mais en 1825 Robinson conduisit 2 024 immigrants dans le district de Newcastle.
Comparativement à son entourage d’York et surtout à son frère John, Robinson semblait d’une tolérance remarquable envers ses protégés catholiques. Les membres du gouvernement de sir Peregrine Maitland* appuyaient son entreprise de colonisation par estime pour lui et par obéissance à Wilmot-Horton, mais tenaient les catholiques irlandais pour les colons britanniques les moins désirables. On surveilla donc avec inquiétude ceux que Robinson avait amenés en 1823. Certains d’entre eux ne parvinrent pas à s’adapter au milieu des protestants irlandais et écossais où on les avait plongés mais, une seule fois, en mai 1824, le groupe comme tel fut mêlé à un incident assez sérieux pour attirer l’attention à l’extérieur de la région. On dépêcha sur place le colonel James FitzGibbon* à titre de médiateur et le gouvernement réitéra son appui, mais il fut décidé que les colons qu’allait amener Robinson en 1825 s’installeraient à l’écart.
Comme les subventions du Parlement britannique au programme d’immigration de 1825, plus vaste et plus ambitieux que le précédent, furent toutes allouées d’un seul coup, Robinson eut du mal à s’organiser. On versa les sommes tard au printemps, si tard qu’il arriva dans le Haut-Canada après les colons. On n’avait pu faire les préparatifs qui auraient peut-être réduit les dépenses. Rétrospectivement, on se disait qu’il aurait fallu construire un dépôt et commencer à préparer le terrain pendant l’hiver, saison où se faisaient habituellement le transport de provisions en vrac par traîneau et le défrichement d’une première clairière. Mais il n’y avait eu ni fonds ni autorisation pour tous ces travaux. Pour la même raison, les médecins de bord qui avaient remonté le Saint-Laurent avec les immigrants avaient dû se contenter des installations existantes. On critiqua vertement les responsables pour avoir gardé les immigrants dans un village de tentes improvisé, à Kingston, jusqu’à l’arrivée de Robinson en août, mais ils avaient agi ainsi sur l’ordre de Maitland. Une fois à Kingston, Robinson mena les colons dans le district de Newcastle, puis sur les lots qu’il choisit pour eux avec énergie et débrouillardise ; manifestement, il était dans son élément.
En 1823, son adjoint, William Marshall, avait critiqué son indulgence ; en 1825, Robinson déclara qu’il se montrerait plus strict au dépôt de Scott’s Mills (Peterborough), où se faisait la distribution des vivres. En fait, l’ordre dans la colonie dépendait de la bonne volonté de chacun et de l’ascendant personnel de Robinson sur les immigrants, et il continua de tenter de « les gagner par la gentillesse ». George Hume Reade, qui fut leur médecin en 1825 et observait la situation d’un œil moins sévère que Marshall, releva que Robinson méritait surtout des louanges pour la « manière aimable [et la] droiture » avec lesquelles il traitait « les Irlandais de classe inférieure ». Robinson aimait son travail ; en 1824, comme il préférait collaborer avec Wilmot-Horton, il avait refusé de devenir éventuellement surintendant de la vente des terres de la couronne dans le Haut-Canada au sein de la future Canada Company, comme le lui offrait John Galt.
Dans les cantons peu peuplés du district de Newcastle, au nord du lac Rice, les immigrants de 1825 étaient assurés de recevoir un bon accueil de la part des habitants et de pouvoir choisir de bonnes terres de la couronne. Mais pour s’y rendre, ils firent un voyage long et difficile par un été anormalement chaud. La chaleur aggrava la fièvre contractée sur les lieux et les maladies endémiques dont les immigrants souffraient déjà. Robinson lui-même fut atteint d’une fièvre dont il « ne se remit jamais complètement », et la plupart de ses assistants furent malades eux aussi dans le courant de l’été et de l’automne. À Scott’s Mills, Richard Birdsall* arpenta en 1825 l’emplacement d’un village, qu’on baptisa Peterborough, d’après le prénom de Robinson. La localité qui prit naissance autour du dépôt comprenait des scieries et des moulins à farine construits à l’aide de fonds gouvernementaux et devint le noyau d’un réseau routier rudimentaire. Bien des Haut-Canadiens auraient préféré que les subventions gouvernementales servent à autre chose, mais la plupart convinrent que les immigrants de l’endroit avaient ouvert avec succès une nouvelle région. Encore aujourd’hui, Robinson est d’abord reconnu comme le fondateur de Peterborough.
Robinson avait quitté les immigrants de 1823 tout de suite après leur avoir assigné des terres. Il demeura avec ceux de 1825 jusqu’en mars 1826 afin de mener une inspection personnelle de tous les lots et de rédiger un rapport sur les aménagements. En tout, il avait réparti un peu moins de 2 000 immigrants dans neuf cantons du district de Newcastle. Les lots n’étaient pas tous occupés, et certains demeurèrent vacants quelque temps parce que des familles se regroupaient pour en aménager d’abord un seul, mais le total des superficies défrichées et des récoltes, que Robinson communiqua à Wilmot-Horton, indiquait une situation florissante. Aussi était-il très bien vu du ministère des Colonies lorsqu’il retourna en Angleterre, en 1826 et 1827, pour témoigner devant deux comités spéciaux sur l’émigration formés à l’initiative de Wilmot-Horton.
Le plan de Wilmot-Horton, dans sa version irlandaise, s’avéra trop coûteux pour gagner le parrainage du gouvernement ou des propriétaires terriens. Mais tout en avouant son échec en Grande-Bretagne, le sous-secrétaire d’État veilla à ce que l’on continue, même après sa démission en janvier 1828, d’appliquer certains éléments de son programme dans le Haut-Canada. En juillet 1827, il avait fait nommer Robinson commissaire des Terres de la couronne (le premier du Haut-Canada) et inspecteur général des forêts. On avait créé le bureau des Terres de la couronne pour surveiller l’application d’une nouvelle politique concernant la cession des biens publics ; cette politique prévoyait notamment des ventes aux enchères ou à tempérament, moyens susceptibles, selon Wilmot-Horton, de permettre aux immigrants indigents d’acquérir des terres. En novembre, Robinson assuma en plus la fonction de commissaire des réserves du clergé. Ces nominations le firent entrer dans la sphère du pouvoir, d’abord comme membre du Conseil exécutif puis, en 1829, du Conseil législatif. Les seuls revenus publics importants que Robinson percevait en qualité d’inspecteur des forêts étaient des droits sur le bois dans la vallée de l’Outaouais, que recueillaient un commis et des agents [V. Charles Shirreff]. Il s’occupait surtout d’administrer la vente des réserves de la couronne et du clergé et, à un degré que ses instructions ne laissaient pas entrevoir, d’assister les colons immigrants.
Même s’il ne fut jamais l’un des protagonistes de la controverse qui entoura les réserves du clergé, Robinson, à titre de commissaire, détermina l’esprit dans lequel serait appliqué le Clergy Reserves Sales Act, qu’avait adopté le Parlement britannique en 1827. Cette loi autorisait l’aliénation d’au plus un quart des réserves, à raison d’une somme annuelle fixe, de sorte qu’au moment où Robinson quitta son poste, en 1836, cette portion des terres était en grande partie vendue ou louée. Le paiement des lots pouvait s’étendre sur plusieurs années, par petits versements, ce qui rappelait les modalités qu’avaient proposées les comités sur l’émigration établis par Wilmot-Horton. Robinson interprétait les règlements avec largesse, surtout lorsqu’il s’agissait de transformer une location en franche tenure. Cette attitude ouvrit la porte aux abus mais permit aussi à nombre de colons de devenir propriétaires et à d’autres, dont plusieurs venus avec lui en 1823 ou 1825, d’établir leurs enfants près de chez eux.
Pendant le mandat de Robinson au bureau des Terres de la couronne, l’immigration en provenance des îles Britanniques connut une hausse spectaculaire pour atteindre son point culminant en 1832, année marquée d’une épidémie de choléra. Les statistiques de l’époque sur l’émigration vers l’Amérique du Nord britannique sont en dessous de la vérité et peu fiables, mais elles donnent un aperçu de la réalité. De 12 000 à 13 000 pour les années 1826 jusqu’à 1829, les chiffres passent à 30 000 en 1830, 58 000 en 1831 et 66 000 l’année suivante, puis retombent à 28 000 en 1833. Chaque année, une partie des Haut-Canadiens d’adoption ne parvenaient pas à s’intégrer à l’économie de la province, parce qu’ils ne trouvaient pas de travail et n’avaient pas les moyens de s’établir à leur compte. Le lieutenant-gouverneur sir John Colborne*, qui remplaça Maitland en 1828, demanda à Robinson de mettre son expérience et les ressources de son bureau au service des immigrants indigents. Outre les agents chargés d’un port, d’un établissement ou de la construction d’une route, Robinson embaucha des employés temporaires selon les besoins. Dans les ports des Grands Lacs, des agents acheminaient les immigrants nécessiteux à leurs collègues de l’intérieur des terres ; ceux-ci, à des endroits déterminés, leur offraient du travail (généralement l’ouverture d’une route) et des lots de 50 acres payables à long terme.
Le programme débuta modestement en 1829 dans le canton d’Ops, qui faisait partie du district de Newcastle, puis s’étendit rapidement en 1831–1832. Alexander McDonell* avait supervisé l’expérience d’Ops ; c’est lui qui avait le plus activement secondé Robinson en 1825 et on l’avait récompensé en 1827 par un poste d’agent des Terres de la couronne. Ses rapports sur « le ravitaillement, l’établissement et l’emploi » d’immigrants dans la région de Peterborough entre mai 1831 et avril 1833 indiquent qu’on avait colonisé 11 cantons. En 1832, des annonces dirigeaient aussi les colons indigents vers John McNaughton, qui distribuait des terres de la couronne dans les cantons de Ross, de Pembroke et de Westmeath, dans le district de Bathurst, et vers Wellesley Richey, dans le district de Home, qui faisait de même dans les cantons de Sunnidale, d’Oro, de Medonte et d’Orillia. Quant à Roswell Mount*, il aidait les colons dans les cantons d’Adelaide et de Warwick, du district de Western.
Tous les agents de Robinson avaient de vastes pouvoirs de dépenser. Les instructions que le secrétaire d’État aux Colonies, lord Goderich, avait envoyées à Colborne insistaient sur l’autonomie : il fallait procurer des emplois aux immigrants au lieu de leur verser une aide directe comme l’avait fait Wilmot-Horton. Cependant, les immigrants de fraîche date s’étaient révélés de piètres défricheurs, de sorte que Robinson et ses agents étaient coincés entre les instructions de Goderich et les besoins pressants de familles qui étaient sous leur aile, sans aucun autre recours. En misant sur l’expérience des agents, on laissa beaucoup de choses à leur discrétion, car Robinson n’exigea l’approbation préalable des nouvelles dépenses qu’à partir de mai 1833.
L’épreuve la plus difficile était survenue à l’été de 1832, quand les premiers cas de choléra s’étaient déclarés dans le Haut-Canada. Convaincu que le plus grand risque était de laisser de forts groupes d’immigrants s’agglutiner dans des logements temporaires, Colborne conçut une stratégie en conséquence. Il fallait en priorité conduire les immigrants à l’extérieur d’York et des autres agglomérations situées sur leur trajet. Le réseau de Robinson tint bon malgré la pression des circonstances et la peur de l’infection. Les frais de transport augmentèrent et, dans certains villages, toutes les portes se fermaient devant les étrangers. Pourtant, même Mount, le plus lointain maillon de la chaîne des agents, parvint à installer assez bien ses gens pour l’hiver. L’épidémie n’engendra pas de désordre populaire et les nouveaux établissements ne connurent pas la famine. Cependant, au milieu de l’été de 1832, Robinson entrevit combien le tout coûterait. Son principe, comme dans les années 1820, était de veiller d’abord à l’installation des immigrants, et de ne se préoccuper des comptes qu’à la fin de la brève saison pendant laquelle il pouvait leur trouver une place convenable. Mais son programme se révéla si coûteux qu’il s’effondra au lieu de gagner des appuis. Comme Robinson était malade en août, Colborne se mêla de plus en plus de l’affaire en exigeant une réduction des dépenses. Lorsque l’hiver arriva, les factures se firent de plus en plus élevées et nombreuses, et il devint évident que certains agents, Mount surtout, avaient dépassé la mesure. En septembre 1833, après avoir ajouté les dépenses connexes, comme les subventions pour construire des hôpitaux de district, Colborne rapporta au secrétaire d’État aux Colonies, lord Stanley, un total de £13 286, plus du double des £5 000 allouées à l’aide aux immigrants pour l’année 1832–1833. Il eut beau se défendre avec vigueur, les successeurs de Wilmot-Horton aux Colonies étaient mal disposés envers l’aide à la colonisation et tentaient d’y mettre fin.
Pour Robinson, 1833 fut une mauvaise année. De santé chancelante depuis 1831 sinon depuis 1825, il éprouvait alors des difficultés manifestes à s’acquitter de ses responsabilités publiques et à s’occuper de ses affaires personnelles. Il avait plaidé les exigences de ses diverses fonctions pour retarder pendant des années la remise de son compte final à titre de surintendant de Wilmot-Horton. En 1833, les fonctionnaires de la Trésorerie britannique, à bout de patience, suspendirent son salaire jusqu’à ce que, en 1834, il ferme son compte en versant £1 968 17s (cours d’Angleterre) dans les coffres de l’armée. La politique foncière de l’Empire faisait l’objet d’une nouvelle révision et, le 1er juillet 1834, on confia la responsabilité d’un programme d’immigration moins ambitieux à Anthony Bewden Hawke*, qui devint ainsi agent principal de l’immigration du Haut-Canada. Dès lors, il semble que Robinson consacra ses dernières énergies au Conseil exécutif, et particulièrement aux revendications foncières, objet principal des travaux de cet organisme.
En 1836, à titre de conseiller, Robinson participa à deux événements qui donnèrent lieu à des controverses majeures. Juste avant de quitter le Haut-Canada en janvier, Colborne avait attribué des terres à 44 rectories anglicans et provoqué ainsi l’ire des réformistes. Robinson et deux autres conseillers, Joseph Wells* et George Herchmer Markland*, avaient approuvé les lettres patentes. En mars, Robinson faisait partie du conseil élargi de six membres qui démissionna pour protester contre la manière dont le lieutenant-gouverneur sir Francis Bond Head* traitait le conseil. Même s’il présidait ce conseil, Robinson n’avait probablement ni la santé ni l’ambition nécessaires pour faire plus que suivre le mouvement, soit en démissionnant (sous les pressions de Robert Baldwin* et de John Rolph*), soit en offrant, avec Wells, Markland et John Henry Dunn*, de retirer sa démission, ce que Head refusa. Il était encore en mauvais termes avec le lieutenant-gouverneur lorsque, le 23 juin, une attaque de paralysie le « priva de l’usage de son côté gauche ». Head pressentait que Robinson ne guérirait pas et exigea sa démission anticipée du bureau des Terres de la couronne ; il offrit la succession à Robert Baldwin Sullivan* pour assurer la bonne marche du bureau. Robinson ferma ses livres de commissaire des Terres de la couronne et des réserves du clergé le 1er août, mais conserva, semble-t-il, son titre d’inspecteur général des forêts jusqu’au 9 mai 1837.
Robinson rédigea son testament le même mois en prenant pour acquis, avec réalisme, qu’on devrait vendre la plupart des terres qui lui appartenaient en propre pour combler les déficits qu’il avait accumulés à titre de commissaire. Une liste de ses biens fonciers, dressée en 1837, fait état de plus de 7 592 acres et d’une ou deux propriétés additionnelles à Toronto. Selon des imprimés familiaux, il mourut célibataire, mais son testament mentionne principalement deux enfants, Isabella et Frederick. Après sa mort, survenue en juillet 1838, son frère John Beverley supervisa une entente qui permit à Isabella d’aller vivre en pension dans la ferme que son père lui avait donnée dans le canton de Whitchurch ; Frederick la rejoignait pendant les vacances scolaires.
John Beverley fut aussi chargé de régler les comptes de Peter avec le gouvernement. En 1835, dans le septième et dernier rapport du comité de l’Assemblée sur les griefs, William Lyon Mackenzie* avait dénoncé les lacunes que présentaient les comptes de Robinson et de ses agents. En 1840, l’un des comités de la commission du lieutenant-gouverneur sir George Arthur* sur les départements publics examina les livres qui avaient servi à établir ces comptes. Le comité, sous la présidence de William Allan*, recommanda de revoir complètement puis de restructurer le système comptable, aussi confus qu’inadéquat. Le problème ne se limitait pas aux terres de la couronne et provenait de ce que le gouvernement haut-canadien, malgré ses responsabilités grandissantes, n’appliquait pas encore les nouvelles méthodes comptables mises au point dans le milieu des affaires. Toutefois, « la répugnance presque insurmontable » de Robinson à retourner fouiller dans de vieux comptes dut favoriser un certain laisser-aller dans son bureau et, même si son honnêteté n’était pas en cause, sa réputation d’administrateur pâtit. Ses exécuteurs testamentaires durent faire des paiements à même sa succession, mais en décembre 1840 John Beverley Robinson pouvait enfin dire à Arthur : « il ne reste maintenant aucun solde débitable à mon frère dans quelque compte que ce soit ».
Sans Peter Robinson, les plans d’immigration de Wilmot-Horton auraient été dangereusement théoriques. Il offrait la connaissance des lieux et le sens pratique qui faisaient défaut à bien des programmes de colonisation au xixe siècle. En outre, il apporta une exceptionnelle dose d’expérience directe au bureau des Terres de la couronne. Aussi longtemps que l’essentiel fut d’ouvrir la province à la colonisation en offrant des terres à défricher, on reconnut sa valeur. Mais quand l’attention se tourna vers l’administration de son bureau, il parut dépassé. Comme le craignait John Beverley Robinson, il était trop terne à York pour que l’on se souvienne de ce qu’il accomplissait ailleurs. Son nom demeure attaché à celui de Peterborough, mais il n’évoque plus l’image d’un homme qui, par son intérêt soutenu pour le peuplement, contribua à façonner bien d’autres régions de la province.
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Wendy Cameron, « ROBINSON, PETER », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 3 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/robinson_peter_7F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/robinson_peter_7F.html |
Auteur de l'article: | Wendy Cameron |
Titre de l'article: | ROBINSON, PETER |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1988 |
Année de la révision: | 1988 |
Date de consultation: | 3 déc. 2024 |