Même si, conformément aux résolutions prises à la conférence de Québec de 1864, l’éducation était de compétence provinciale, le gouvernement fédéral garantissait, en matière d’éducation, les droits existants des minorités au Canada-Est (Bas-Canada, Québec actuel) et au Canada-Ouest (Haut-Canada, Ontario actuel). En 1871, la Chambre d’assemblée du Nouveau-Brunswick étudia un projet de loi visant à établir un système d’enseignement non confessionnel qui serait financé par une taxe scolaire universelle. La minorité catholique, composée principalement d’Acadiens, mais aussi d’Irlandais, voulait un financement public pour ses écoles séparées ; elle était par conséquent contre ce projet de loi. Pierre-Amand Landry, député de Westmorland, comptait parmi ceux qui le combattirent :
La carrière politique du jeune Landry débutait au moment où la controverse sur la réforme scolaire déclenchait des conflits ethniques et religieux sans précédent, et poussait les Acadiens du Nouveau-Brunswick à défendre publiquement leurs intérêts. Durant la campagne électorale, Landry avait dénoncé le projet du gouvernement de George Edwin King* d’établir un réseau d’écoles publiques, car il prônait plutôt un système d’écoles séparées financées par le gouvernement. Constatant son influence auprès des électeurs catholiques, le parti au pouvoir tenta d’obtenir son appui tacite au projet en lui promettant le portefeuille de commissaire des Travaux publics, mais il refusa de se laisser soudoyer.
En avril 1871, l’Assemblée du Nouveau-Brunswick entama l’étude du projet de loi qui visait à créer un réseau d’écoles publiques financées par l’État à même les fonds provenant d’une nouvelle taxe scolaire qui s’appliquerait à tous. Un mois plus tard, on ajouta au texte un article qui prévoyait que les écoles régies par la loi seraient non confessionnelles. Malgré l’opposition du clergé, des députés et de la presse catholiques, le Common Schools Act fut adopté par une forte majorité protestante. Les catholiques, dont la plupart étaient Acadiens, refusèrent de payer la taxe scolaire, même sous la contrainte, et demandèrent l’aide du gouvernement fédéral, qui décida de ne pas intervenir [V. John Costigan]. La réforme scolaire devint l’enjeu de la campagne électorale de 1874. Le gouvernement sollicita l’appui de la majorité anglo-protestante afin d’empêcher les catholiques d’obtenir le pouvoir nécessaire pour changer la loi et il remporta une victoire écrasante. Landry figurait parmi ceux qui perdirent leur siège.
Au Manitoba, l’Acte de 1870, qui marqua l’entrée de la province dans la Confédération, offrait des garanties aux écoles séparées. Vingt ans plus tard, toutefois, le gouvernement provincial, tenant compte des souhaits de la majorité protestante anglophone, exclut de facto le financement public des écoles séparées [V. La question des écoles du Manitoba]. En 1896, les deux premiers ministres Thomas Greenway et Wilfrid Laurier trouvèrent un compromis [V. La campagne électorale de 1896 et la crise scolaire au Manitoba ; Le règlement Laurier-Greenway (1896)]. En 1916, le gouvernement manitobain de Tobias Crawford Norris abrogerait l’entente.
En 1912, le premier ministre conservateur de l’Ontario, sir James Pliny Whitney, introduisit la « Circular of Instructions, 17 », connue sous le nom de Règlement 17. Elle limitait l’éducation en français dans les écoles bilingues aux deux premières années d’enseignement :
Ce règlement déclencha une bataille rangée entre, d’une part, le gouvernement et la plupart des résidents anglophones de l’Ontario, catholiques compris, et, d’autre part, une forte proportion de la minorité francophone ontarienne, les francophones de la province de Québec et leurs journaux […] Le gouvernement était convaincu d’agir pour le bien des jeunes Franco-Ontariens et de commencer à corriger une situation déplorable. Le premier ministre Whitney ne pouvait comprendre ni les aspirations des Canadiens français, ni la colère engendrée par les nouvelles règles. Enfin, en 1913, après une année de protestations, de débrayages d’élèves et de refus d’obtempérer, le gouvernement battit en retraite : l’élève qui ne maîtrisait pas assez l’anglais après les premières années du [primaire] pourrait continuer ses études en français. Cependant, le mal était fait et, durant des années encore, les Canadiens français citeraient le Règlement 17 en exemple de l’oppression anglo-canadienne.
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